Derrida
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Derrida, ses livres                     Derrida, ses livres
Sources (*) : Derrida, droit de regard               Derrida, droit de regard
Jacques Derrida - "Lecture de "Droit de Regards" de Marie-Françoise Plissart", Ed : Minuit, 1985,

Lecture de "Droit de Regards" de Marie-Françoise Plissart (Jacques Derrida, 1985) [LDRP]

   
   
   
                 
                       

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Table

On compte, dans l'oeuvre de Derrida, au moins cinq essais consacrés à la photographie :

- Les morts de Roland Barthes (texte de 1981 publié dans Psyché 1, et aussi dans Chaque fois unique la fois du monde);

- le présent texte de 1985;

- Demeure, Athènes (1996, photographies de Jean-François Bonhomme);

- Aletheia (1996, Photographies de Kishin Shinoyama);

- Quatorze fragments sans titres accompagnant les photographies de Frédéric Brenner dans Diaspora (2003).

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Il s'agit d'un roman-photo de Marie-Françoise Plissart comportant uniquement des photos, sans aucune légende. Ces photos occupent 99 pages (100 - 1). Elles sont suivies par un texte de Jacques Derrida de 36 pages, numérotées de I à XXXVI, qui vient en plus. Tout se passe comme si l'oeuvre sans texte invitait à inventer un texte [plus tard, en 1991, Jacques Derrida renouvellera l'exercice en ajoutant des légendes aux dessins de Micaëla Henich, sous le titre Lignées, Mille e tre, cinq)]. Au départ, il se fixe comme règle de ne pas raconter d'histoire, de ne pas prendre la place du narrateur. Devant l'oeuvre photographique, il faut aussi savoir se taire. Mais il ne respecte pas tout à fait cette promesse. L'appareil photographique ne produit-il pas un certain ordre, ne décline-t-il pas, par son organisation et ses montages, une rhétorique? N'invite-t-il pas à fabriquer du récit pour donner du crédit à ce que nous voyons, une oeuvre? Même s'il s'en défend, Jacques Derrida usurpe de temps en temps la place du narrateur, quitte à inventer des scènes [primitives] ou à nommer arbitrairement les personnages. Sa lecture théorique ne conjure pas toujours l'écueil de l'interprétation.

Qu'est-ce que le droit de regards (droit au singulier, regards au pluriel, c'est le titre de Marie-Françoise Plissart)? Disons que, dans la lecture derridienne, ce serait le double droit d'assigner l'image à une rhétorique et de mettre la différance en mouvement. Bien que ce mot, différance, ne soit pas utilisé une seule fois dans le texte, le penseur décrit, à partir de cette oeuvre, une opération singulière : laisser venir la différance, tout en lui assignant une circularité. Il faut pour cela un cercle ouvert, infini : celui de l'art (ici l'Art photographique, avec la majuscule barthésienne). Ce n'est pas un hasard si cette série d'images commence par là où elle finit : l'acte d'amour entre deux femmes, deux images de la même scène, du même hymen. Il y a de la différance, il y a de l'arrêt (le cercle) et il y a l'impossibilité de l'arrêt (l'infini, l'ouverture) qui débouche sur l'incertitude du rapport au tout autre. Rien de moins qu'une définition de l'art, dans laquelle on ne pouvait éviter de poser aussi la question des genres (cinéma, théatre, roman, photographie, fable), des distinctions entre eux et de la déconstruction de leur loi.

Jacques Derrida pose la question d'un autre droit de regard (sans "s" à regard) : un événement historique où la photographie et la psychanalyse se rejoignent pour un certain usage du détail qu'on retrouve dans le Droit de Regards de Marie-François Plissart.

 

 

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Formulations à partir de ce texte (les têtes de chapitre sont entre crochets) :

 

Le photographe a droit de regards sur tout, tous les droits dans un jeu dont les règles sont celles de la photographie même

S'il y a de l'époque, du champ historique, alors psychanalyse et photographie forment un seul événement et posent la même question, celle du droit de regard

La photographie est étrangère à la langue même : son essence est le dehors ou le décor

A-t-on jamais joui d'autre chose que d'une promesse?

La distinction entre imaginaire et symbolique est sans pertinence : un regard n'a pas plus à voir avec la perception qu'avec la loi

La loi qui préside au "droit de regard" de la photographie est la prise de vue comme possession, objectivation, perspective

Un art ouvre l'incertitude infinie du rapport au tout-autre

N'importe qui a "droit de regard" sur une oeuvre : il peut lui prêter des voix, l'interpréter, la développer, en raconter la perspective

Dans une oeuvre photographique, à la différence de ce qui se passe dans toute autre image, l'histoire ne précède pas le récit

Nous sommes, nous qui parlons, l'inutile illustration de l'oeuvre

Par l'appareil photographique se décline une rhétorique : droit de regards qui, par le pouvoir de son objectif et de ses montages, intime un ordre et assigne une place au sujet

Dans la photographie, le tout se retire et ne laisse des traces qu'en forme de fragment

Une oeuvre peut être vue comme événement d'auto-affection de la scène primitive

Le spectral est l'essence de la photographie

Dans la perspective ouverte par le "droit de regard", l'autre devient objet au travers d'une irréductible tekhnè

Une oeuvre d'art préserve un fonds indéterminé, un espace vide où la différence, tremblante, est mise en mouvement

La pornographie ou pornologie de l'oeuvre, c'est qu'on ne peut garantir sa valeur ou engendrer un public que dans l'acte même de la performance qui la légitime par du discours

L'oeuvre photographique est photographie de photographie, mise en abyme, livre sans mot, sans énoncé, et même sans image

Les photographies sont comme de la pensée, une pensivité sans voix, sans autre voix que suspendue

Depuis la photographie, ce qui peut se donner à penser, c'est un tout qui se voit retirer sans se voir

Quiconque écrit sur des arts sans voix (peinture, sculpture, musique) est mis en demeure d'adresser des mots, mais à qui?

Il n'y a pas de voix présente dans la photographie, rien qui n'y soit prononcé

Au-delà de tout genre, l'art suppose, dans un espace quasi-transcendantal, l'éloignement de tout référent perceptible

Au cinéma, continuellement, on voit parler : la voix est toujours présente comme telle

S'il y a un art de la photographie, il donne droit à l'autre, il l'invente

S'il y a un art de la photographie, la vérité s'y révèle dans le système d'un appareil optique, sans qu'on puisse en arrêter la jouissance

L'invention de la photographie et l'avènement de la psychanalyse, qui sont contemporains, "conviennent" l'un à l'autre

L'oeuvre photographique est une mise en demeure qui commande le silence : devant elle, il faut savoir se taire

Psychanalyse et photographie sont deux religions du détail, qui font pièce à un pouvoir totalisant

Lecture de "Droit de Regards" de Marie-Françoise Plissart (Jacques Derrida, 1985) [LDRP]

 


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Sources
DerridaBiblio

1985_LDRPAA

DerridaDroitRegard

ZB.HHB

YYA.2005.Derrida.JacquesGenre = -