- Bibliographie de Hubert Damisch.
Avec Hubert Damisch, la rigueur théorique est inséparable de l'analyse des pratiques en peinture, architecture, photographie, cinéma ou théatre. Qu'est-ce que la peinture? Qu'est-ce que la perspective? Qu'est-ce que la beauté? Peut-on légitimement parler d'iconologie en art, de sémiologie, de dispositif d'énonciation? Y a-t-il une vérité en peinture (comme l'avait affirmé Cézanne dans une lettre célèbre)? Que penser de la culture humaniste? Ces questions sont sans cesse reprises - et chaque réponse ouvre à une série de points de vue.
Son oeuvre théorique s'inscrit dans plusieurs filiations. D'un côté la grande histoire de l'art : d'Alberti à Panofsky, il est l'héritier des érudits, tout en jetant sur eux un regard critique et sans concession. D'un autre côté les penseurs qu'il privilégie : Freud et Lacan pour la psychanalyse, Kant et Derrida pour la philosophie.
La peinture est un système instable qui obéit plus à sa propre syntaxe et à ses propres lois qu'au discours qui la justifient ou l'expliquent. Les oeuvres s'y succèdent par transformations, décalages, déplacements, répliques et variations, qui ont partie liée avec des contenus inconscients. Malgré tous les changements qui se sont produits depuis la Renaissance, elle reste, encore aujourd'hui, hantée par la perspective et ses moments fondateurs : l'expérience de Brunelleschi, événement inaugural, et les perspectives urbinates, qui la montrent à l'état pur. Mais en elle-même, elle ne représente rien. C'est un dispositif d'énonciation subordonné à la parole vivante (la phonè) et marqué par le refoulement de son support (refoulement lui-même fragile, car des signes comme les nuages peuvent venir le brouiller). Même si la place du sujet y est spécifiquement indiquée, la subjectivité n'y tient qu'à un fi. Le sujet ne peut se situer qu'en un lieu instable, défaillant, dissocié de ses constructions imaginaires.
Toute oeuvre d'art en appelle à un supplément, un surplus de plaisir. C'est le cas, par exemple, du Déjeuner sur l'herbe de Manet ou de la longue série historique des Jugement de Pâris qui l'ont précédé. En mettant la pulsion sexuelle au service de la civilisation, la beauté résulte d'un déplacement primordial. Elle contribue à la production de ces parerga que Kant ou Derrida ont évoqués.
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