Michel Chion se situe à la charnière de la musique et du cinéma, de la voix et de l'image. Sa pensée de l'acousmatique est au coeur du concept de l'espace vocal.
Propositions (les têtes de parcours sont entre crochets)
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- Bibliographie de Michel Chion
- [Un son acousmatique - que l'on entend sans voir la cause dont il provient - est ressenti comme lieu secret, énigmatique, où le savoir se cache]
- [L'avènement du parlant a mis le cinéma à la merci de la voix]
- [Au cinéma, la voix dite off fonctionne comme foyer central de l'image, et l'absence de voix est ressentie comme décentrement]
- [Au cinéma, il y a "voix-je" quand la voix-off du narrateur est si proche du spectateur que celui-ci ne peut pas éviter de s'y identifier]
- L'acousmêtre a quatre pouvoirs : être partout, tout voir, tout savoir, tout pouvoir
- Au cinéma, le son ponctue l'attention et renforce la perception d'une action
- Le cinéma révèle la non-coïncidence originelle entre le corps et la voix
- Le cinéma parlant est dualiste, car il coupe entre le corps et la voix
- La voix lutte contre ce qui en elle est informel
- Le lien vocal originaire est une toile ombilicale
- La voix, qui se substitue au cordon ombilical, est un flux nourricier et continu qu'il faut maintenir à tout prix
- On oublie facilement la voix, mais c'est elle qui, dans sa matérialité, transmet la parole
- Le point de cri est le trou noir vers lequel converge la fiction
- Le corps-sans-voix (muet) et la voix-sans-corps (acousmatique) sont deux moitiés disjointes d'une entité insaisissable et sans limite
- Le corps humain ne possédant pas d'organe spécifique de la phonation, la mise en corps de la voix sur son lieu d'émission (la bouche) est symbolique
- Au cinéma, on voit où ça coupe, tandis qu'à la radio, ce qui est séparé n'est pas visible
- Au cinéma, le cadre de l'écran coupe la voix
- Le cinéma tente de faire coïncider la voix et l'image dans le temps (synchronisation), mais pas dans l'espace
- Une voix non localisée envahit tout le réel
- Une voix réduite à une respiration très proche nous fait ressentir notre corps comme corps de l'autre
- Le "cinéma muet" devrait plutôt s'appeler "cinéma sourd"
- La voix-objet est rencontrée comme corps extérieur, avec sa propre identité
- La vision humaine est partielle et directionnelle, tandis que l'audition est omnidirectionnelle
- Le muet est celui qui sait ce que les autres ne savent pas ("le reste")
- Dans l'après-coup de la coupure de la voix, le corps parlant se réassemble : anacousmêtre
- L'acousmêtre au cinéma creuse la place du manque dans ses fonctions métaphorique et symbolique
- L'acousmêtre est l'être dont on entend la voix sans avoir jamais vu son visage
- La voix sans-lieu de l'acousmêtre nous ramène au stade archaïque où la voix était tout et partout
- Quand l'acousmêtre se montre, l'incarnation de sa voix entraîne sa mort
- Au cinéma, les prises de son sont en général des prises de voix
- La notion de bande-son au cinéma fait oublier la voix
- La bande-son d'un film contient trois types d'éléments : synchrones (on voit la source), off (on ne voit pas la source), et en errance (la source est en transit)
- La bouche est le point où la voix s'incarne et s'humanise, perdant sa toute-puissance
- La bouche est la première partie du corps humain que le cinéma ait filmée en gros plan
- Une voix qui ne résonne pas semble close sur son locuteur
- Le cri de femme incarne un fantasme d'absolu sonore
- Le son Dolby est un super-champ qui englobe les images filmiques
- L'image hors-champ du cinéma transpose l'expérience de la disparition de la mère pour le jeune enfant
- A la création du monde, la lettre du mot créateur est allée en haut, tandis que le son demeurait en bas (Rosebud dans "Citizen Kane", d'Orson Welles, 1941)
- Qui est sans-voix (le muet) n'a ni place assignée, ni position dans l'espace
- Au cinéma, le son est une pâte à modeler qui génère les images
- L'écoute visuelle est une situation dans laquelle on voit la cause de ce qu'on entend
- L'audition humaine est vococentriste : la présence d'une voix structure l'espace sonore qui la contient
- La voix du cinéma rôde à la surface de l'écran, ni dehors ni dedans
- Prétendre enfermer les voix dans la cage d'un écran est une hybris punie par les dieux
- Tout réalisateur de cinéma doit endosser le rôle de Maître des voix
- Pour prendre possession du spectateur, la voix-je se doit d'éviter ce qui la désigne comme un objet qu'on peut saisir
- Depuis la nuit des temps, ce sont les voix qui montrent les images
- Il y a deux types de voix-off : celle qui nous reste extérieure (en retrait) et celle à laquelle nous nous identifions (voix-je)
- L'aveu initial et final du cinéma parlant est que la coïncidence entre le corps et la voix est impossible
- La synchronisation voix/corps dans l'espace du cinéma ou de la télévision n'est pas symbolique, mais rituelle
- La structure du cinéma est celle de l'espace vocal : un hors-champ habité par une voix qui est le corollaire du champ
- Les personnages muets des films parlants sont les dépositaires d'un Grand Secret perdu
- "Acousmatique" était le nom donné à une secte pythagoricienne dont les adeptes écoutaient leur maître parler derrière une tenture
- La radio et le téléphone isolent la voix mais ne la coupent pas, car elle y est une partie représentant le tout de la personne
- La nouveauté du cinéma parlant est la voix et non la parole, car il y a déjà du discours dans le cinéma muet
- Le téléphone est l'inverse du cinéma muet, puisqu'il fait entendre la voix sans donner à voir qui parle
- La voix au cinéma (Michel Chion, 1982) [VC]
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