Lire Derrida, L'Œuvre à venir, suivre sur Facebook | Le cinéma en déconstruction, suivre sur Facebook |
TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | ||||||||||||||||
|
|||||||||||||||||
Au bord des failles du sans - fond | Au bord des failles du sans - fond | ||||||||||||||||
Sources (*) : | |||||||||||||||||
Gérard Sith - "Au plus loin du sans-fond", Ed : Guilgal, 2007, Page créée le 20 février 2002 Explosion (Martine Mardolle, 2010) - |
La voix a troué l'espace |
||||||||||||||||
Pour l'acquérir, cliquez sur le livre
|
A un certain moment, autour de 1890-1900, le phénomène sest développé. Notre perception de l'espace s'est décalée. On n'en connaîtra peut-être jamais la cause, mais l'effet est bien là. Il est repérable dans tous les domaines du discours. On peut présenter les choses de la façon suivante : des déchets vocaux envahirent lespace. Il y eut une réaction de surprise et deuphorie. Les peintres devinrent impressionnistes, et les poètes mallarméens. Loreille ne devait jamais être au repos. Cétait jouissif, mais rapidement incontrôlable. Tout s'est passé comme si, de cet espace excessivement absorbé par la voix, la voix devait se retirer. Lhomme est lanimal qui étend ses organes à lextérieur de lui-même. Cette fois, il est allé plus loin que l'outil. Il a accepté que la voix se détache du corps, qu'elle prolifère toute seule, qu'elle devienne autonome. Aujourd'hui, elle a pris la forme d'une toile électronique : le web. L'Internet a toutes les formes, et on finit par oublier qu'il n'est qu'une excroissance monstrueuse de la voix. Il y a eu le téléphone, la radio, la télévision, le portable, et c'est loin d'être terminé, le gavage auditif continuera, il suturera lespace. Il ira aussi loin que ne peut le supporter loreille humaine. La limite est biologique, psychologique et sociale. Elle sera rapidement atteinte, et le trouage explosera. Cet espace est la projection de notre oreille interne dont il a tendance à copier les formes : coquille d'escargot ou harpe hélicoïdale. On le constate dans lart comme dans la vie courante, plus lespace dans lequel nous vivons est auditif, plus nous le ressentons comme intérieur. Nous oublions que nous portons du matin au soir une sorte de balladeur psychotechnique. Le résultat du processus, c'est ce que j'appelle l'espace vocal. La division du sujet a toujours existé. Ce nest pas un phénomène spécifiquement moderne, cest un phénomène spécifiquement humain. A partir du 17ème siècle, cette division a commencé à devenir sociale, paradigmatique, dominante. Elle sest généralisée vers 1900 et a peu à peu affecté tous les champs du monde. La voix a été impliquée dans ce processus plus encore que tout autre objet, car elle est un objet ambigü : elle exprime le vécu de la personne, mais aussi des forces étrangères, extérieures, impératives, qu'il nous est impossible de contrôler et même de nommer. Son échappée se manifeste, entre autres, dans notre tendance à obéir à une loi tordue, discordante, déchirée. Elle me traverse, elle joint et divise lintérieur et lextérieur. Je sais qu'elle existe, je l'entends, mais elle est indescriptible. Lespace vocal a émergé avec le droit à la jouissance. C'est un fait. Ce droit est devenu la principale perspective, y compris visuelle, un espace dun nouveau type, à la fois plein et ouvert, qui suture le point de fuite de lespace classique. J'appelle ça aussi la perspective immédiate. Ce genre de vision chasse le vide. Elle donne une impression d'épaisseur parfois trompeuse. Quand le vide fait retour, il n'est pas inoffensif. Il répond. Là s'inscrivent certaines tendances de l'art (peinture ou musique) où des voix inquiétantes peinent à trouver leur chemin, comme si la vacuité était impénétrable. Lespace vocal est flottant. Ça se manifeste de façon apparemment illogique par lirruption de formes, dobjets et de déchets dont on ne sait pas quoi faire. Il y a toujours plein de trous. Un de ces trous, global, colossal, est à lorigine de bien des mutations dans lart. Cest le trou esthésique, celui dans lequel s'engouffrent toutes nos sensations. Mais le trou est partout. Il se dissimule derrière un brouillage. Dans lespace vocal, toute structure symbolique se brouille. |
L'unification et la séparation coexistent dans l'espace vocal comme dans la musique. De même que la musique a pris ses distances avec l'harmonie sans y renoncer, l'espace est en quête de compromis. Il oscille entre bruit, cri et résonance, et même si l'omniprésence croissante de la musique tend à combler le discord, il est incapable de s'en débarrasser. On vit avec. Dune part, lextension du champ de la voix et son autonomisation coupent de plus en plus radicalement lhomme de la nature. Il vit dans un monde langagier dépourvu de toute articulation externe. Dautre part, la fabrication par lhomme de son propre milieu tend à supprimer de son environnement ce qui nest pas strictement humain. Or, quy a-t-il de plus humain que la voix? Quand tout est éliminé, il ne reste que des déchets-parole. La télévision comme objet vocal généralisé achève après la 2ème Guerre ce que la radio avait commencé avant la 1ère : une mutation radicale de lobjet. Il ny a pas dobjet qui ne se mesure à la voix dans son usage quotidien. Tous s'éphémérisent, tous se temporalisent, tous nous échappent comme un rythme vocal. Tout cela ne laisse pas le sujet intact. Il n'est plus l'auteur, le maître de la voix, il en est l'objet, la victime. Il ne sait plus sur quoi faire reposer sa singularité. Même en l'absence de toute censure, sa voix singulière est étouffée, exclue de lespace vocal. La voix est présente à nous comme chair. On sinterroge : Quel genre de substance? Chair corrompue, pourrie, oublieuse, médiatrice? Chose perdue? Bien que tous nos organes y plongent, il n'y a aucun savoir là-dessus. Au bout de ce compte impossible, la voix se dissémine. C'est ce que j'appelle aleph. C'est ce qui porte la dimension du fondement sans en être un. C'est là que nous allons. |
|
||||||||||||||
|
|||||||||||||||||
Création
: Guilgal |
|
Idixa
|
|
||||||||||||
GŽrard ProTrou OE.LOE W.espaceVocal Rang = PGenre = DET - DET |
|||||||||||||||