Rien ne peut arrêter la science. Dissociée de toute parole, de toute voix, elle est une écriture qui s'écrit toute seule, dans le plus total aveuglement. Pour elle, est objectif ce qui se mesure par l'observation, ce sur quoi nous pouvons opérer, ce qui nous donne la certitude d'accéder aux choses mêmes, à ce Grand Objet qu'elle croit réel mais qui n'est qu'un mythe. Le problème, c'est qu'elle ne peut pas savoir, par elle-même, que ce n'est qu'un mythe. Il faut pour cela qu'elle revienne sur sa tradition historique, sur son héritage. Se prenant elle-même pour la nature, elle concurrence à la fois Dieu et les hommes.
Mais après tout, la science, comme l'art, se sert de signes. Même si les ordres de réalité qu'elle explore sont différents (aussi différents que, par exemple, entre la science et la Cabale), le fonctionnement est comparable. Dans un cas comme dans l'autre, il n'y a pas de paradigme stable : les découvertes sont imprévisibles, il peut toujours venir quelqu'un pour proposer de nouvelles règles du jeu, aucun consensus d'experts n'est jamais définitif. L'art moderne, depuis le début du 20ème siècle, peut être lu comme une métaphore de la vision du monde que la science a répandue. A sa façon, il rend compte de ce parallélisme.
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