Le rapport au beau est anthropologique. Il imprègne les rites, les échanges et les activités de l'homme, des sociétés primitives aux sociétés industrielles. Même la violence peut être esthétisée, comme l'a expliqué Walter Benjamin à propos du fascisme. Que faire de cette tendance lorsqu'on veut traiter par le cinéma d'un événement extrême comme la choa?

- Décider de s'abstenir en soutenant qu'elle n'est pas filmable. A partir de l'extrême horreur, on ne peut pas faire oeuvre d'art. Tout juste peut-on conserver les images documentaires en archive.

- Si l'on se risque, malgré tout, au cinéma, on peut choisir d'accorder la priorité à la parole, au souvenir, en excluant toute esthétisation. C'est le choix de Claude Lanzmann. Mais son film n'est-il pas quand même une oeuvre d'art?

- Si l'on décide sans remords de se servir du cinéma, alors le beau peut apparaître comme un écueil. Ne faut-il pas le dissocier de l'art, comme le veut la vulgate modernité? Ce n'est pas l'orientation de films comme La Liste de Schindler (Spielberg), La vie est belle (Begnini) et même Être sans destin (Imre Kertézs) (qui ne manque pas de beauté formelle, y compris dans les scènes de capmp). Ces auteurs n'hésitent pas à mettre en jeu le cinéma comme fiction. Ils utilisent toutes les ficelles de la représentation, y compris, entre autres, l'esthétique ou l'accompagnement musical. Le savoir-faire est mis au service du message. Ces films sont-ils pour autant obscènes?