André Bazin ne donne cette définition que pour la critiquer. Pour lui, le cinéma ne se caractérise pas par sa liberté, mais au contraire par son réalisme congénital, incompatible avec l'artificialité du décor théatral. Comment transposer le théatre au cinéma? Pour éviter l'écueil du théatre filmé, il ne suffit pas de donner au décor l'ampleur que la scène ne peut matériellement offrir. Il ne suffit pas de libérer le spectateur de son fauteuil, de mettre en valeur le jeu de l'acteur par les changements de plan, d'affirmer la supériorité technique et esthétique du cinéma. En effet le temps de l'action théatrale n'est pas celui de l'écran, le verbe n'y est pas le même. S'il adapte le théatre, le cinéma ne doit pas en dissimuler la convention, il doit l'exposer, intensifier le décor, en accroître l'efficacité. A partir de là, la mobilité de la caméra est un atout pour exprimer librement le projet théatral, pour le révéler avec ses moyens techniques : profondeur de champ et rapidité du regard.

-------

- Amarante : On peut poser la question de la perspective contemporaine à partir de cette formulation. Pourquoi la valeur de liberté ne s'appliquerait-elle pas aussi à l'espace? N'avons-nous pas le droit de voyager, de circuler, de contempler le monde sous l'angle que nous désirons, de dessous, de devant, de derrière, en gros plan ou en profondeur de champ? De privilégier un discours, une explication, une interprétation plutôt qu'une autre?

Satyricon, de Fellini (1969).