En art, on a l'étrange habitude d'opposer le figuratif au non-figuratif. Rien n'est plus absurde. Tout ce que nous voyons est figure, et tout ce qui est représenté est défiguré. Tout artiste, quel que soit son style, travaille sur la figurabilité, même et surtout si celle-ci laisse sans voix.
Aucun mot n'est jamais adéquat pour dire la figure. Chaque image est un compromis entre une présence, une poussée et le code qui la désigne. On ne la maîtrise pas (encore moins dans l'art contemporain que dans tous les arts qui l'ont précédé). En se détachant sur un fond, elle appelle notre attention. Elle nous dit : "Déchiffre-moi!" Mais ça n'est pas si simple. Elle cache autant qu'elle montre. Elle se joue de nous, se dissimulant sous une énigme non dite, présentant une chose oubliée. On ne voit que ce qui est figurable, mais c'est le reste, l'infigurable, le défiguré, qui nous fait signe.
Bien sûr, nous désirons voir du figurable. Mais une figure ne trouve jamais sa place dans le discours. Elle est au bord, dans un entre-deux. Elle ne produit sa propre intelligibilité que dans certains cas exceptionnels, comme chez Picasso. Dans d'autres cas, elle désagrége.
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