L'idéal de l'histoire de l'art est d'interpréter les images de façon euchronique, c'est-à-dire en privilégiant les sources contemporaines (éviter de projeter nos propres réalités sur les objets de notre enquête historique). Mais citer de telles sources peut induire en erreur, car le fait qu'elles soient contemporaines n'implique pas qu'elles soient pertinentes (ainsi le contemporain de Fra Angelico, Cristoforo Landino, se trompait quand il évoquait la dévotion naïve du frère dominicain). Alberti et Fra Angelico ont été de parfaits contemporains, mais ils ont vécu dans des univers différents, appartenant à d'autres temps.

On trouve dans les images plusieurs niveaux de temps et de signification. Leur anachronisme est nécessaire, c'est une richesse. Chaque image est un montage de temps hétérogènes. Les notions de base de l'histoire de l'art comme "style" ou "époque" ont une dangereuse plasticité : elles ne sont pas à leur place une fois pour toutes, elles marquent des différentiels de temps en mouvement.

Pour Jacques Derrida, les regards qui se dirigent vers une oeuvre ne se croisent pas, car l'oeuvre produit des écarts, une différance, des temps hétérogènes qui viennent toujours en-plus, en supplément par rapport au discours présent.