Quand, en réponse à la parole de l'ange, la vierge dit "Ecce" (voici), elle se présente devant Dieu comme sa servante. Elle ouvre son propre corps au mystère de l'incarnation. Puis elle continue "Qu'il en soit fait de moi selon ton verbe" : "Fiat mihi secundum verbum tuum". Le fiat a un double sens : "Fais" (fiat mihi humain de soumission) et allusion au fiat divin de la Genèse.

Il y a conjonction de deux ordres hétérogènes. L'union du Verbe divin et de la chair ne se fait pas dans l'ordre naturel. Rien n'y correspond dans le monde des créatures, même à titre d'exemple. Les voix qui se croisent se situent sur des plans différents.

Dans les Annonciations de Fra Angelico, rien n'approche l'idée de conversation (il n'y a ni istoria, ni anecdote). Il n'a jamais décrit le où ni le quand de l'Annonciation. Il utilise la construction albertienne, mais à d'autres fins que celles recommandées par Alberti. L'enjeu est la conversion. Sa pensée reste strictement exégétique, malgré la perspective "légitime". En donnant à la Madone des Ombres le titre de Sainte Conversation, les historiens se sont peut-être trompés, car l'essentiel n'est pas là.

Le tableau d'Annonciation produit dans l'image la présence même de l'hétérogénéité, du sans-rapport. La figure exhibe la dissemblance qui sépare les similitudes.

L'Annonciation, de tous côtés, est traversée par le secret. Un souffle agit dans la persona, dans l'hypostase, dans l'épaisseur de l'être. L'espace s'interloque.

Cette Annonciation de Jacopo di Cione se trouvait au revers de la façade de l'église San Marco, à Florence - tout près des fresques de Fra Angelico, dans le couvent attenant.