Selon Albert le Grand, la Vierge a été créée avant tous les siècles, dès le commencement. Avant de devenir un édifice immense, hiérarchique, proliférant, elle était matière, limon originel, puissance réceptive. Dans l'Incarnation se rejoue la création du corps humain et la genèse du cosmos. La Vierge est embrasée, humectée. Le Saint-Esprit descend, déferle sur elle, bouleverse son corps-réceptacle. Les forces antithétiques se mélangent : divinité/humanité, lumière/ombre, pour produire la prodigieuse hypostase christique. Elle s'ouvre comme une terre labourée, elle est couverte, remplie, elle se transforme en pierre et en jardin. Cela se traduit dans la peinture par une extraordinaire floraison picturale : formes et couleurs, terre couverte de fleurs et de fruits.

Le lieu marial est voué au dissemblable, plus par excès que par défaut : le feu y côtoie la neige, le céleste y rejoint le charnel, les couleurs s'y fondent presque chaotiquement, l'humilité appelle la gloire, le jardin visible y recèle tout un monde du secret, tout un labyrinthe de replis, et tout cela au nom de la ressemblance à Dieu.