- Carole : Se laisser aller demande tout un apprentissage. Il faut se rendre là où plus rien n'est à soi, se confondre avec un doux liquide où tout son être trempe, se libérer de toute attache, s'exercer aux sports de glisse, s'y laisse envelopper...
- François : Et alors?
- Carole : Et alors on est chez soi dans ce monde. On vit dans un cyberespace qui n'est pas seulement électronique mais biologique.
- François : Je me méfie de ce vocabulaire mystique.
- Carole : C'est ma mystique à moi : l'espoir d'une présence continue, l'impression de se liquéfier dans un monde unifié. Cette mystique n'est pas religieuse, elle est réaliste. Il faut prendre le meilleur de l'espace vocal et laisser tomber le reste.
- François : C'est quoi, le meilleur?
- Carole : La musique, les fêtes ou les réseaux. J'ai pris le parti de ne plus y résister. J'y adhère, comme j'adhère à une vidéo ou au flux sonore continu d'un film. J'aime cette régression, ce retour à la sécurité du cordon ombilical, cette fusion avec moi-même.
- François : Tu oublies que ce monde fluide est la nouvelle forme du contrôle. Il n'y a pas que les flux qui soient inarrêtables, il y a aussi la domination.
- Achille : Si elle y prend plaisir, au nom de quoi veux-tu la condamner?
- François : Je ne le condamne pas, je prends acte.
- Carole : Il n'y a rien d'idéal dans ce monde, c'est le monde actuel, réel. On y circule comme sur une autoroute vide. C'est parfois un peu déprimant, mais on y circule.
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