- Patrice : De même que la photographie a forcé la peinture à se redéfinir, le cinéma a forcé le théatre à revenir à ses fondements.
- Nadège : Lesquels?
- Patrice : Ce n'est pas une représentation, c'est une cérémonie. Tandis qu'au cinéma on est chacun seul devant l'écran, cette cérémonie est collective.
- Delphine : Pour qu'on s'intéresse à une pièce de théâtre, il faut bien qu'il y ait une histoire, une construction artificielle, vraisemblable.
- Patrice : Pas nécessairement. Artaud a voulu garder le théâtre tout en effaçant sa structure représentative. Son souhait de négliger le texte, sa tentation de réduire le théâtre à une voix, un déchirement ou une vibration n'est pas abandonnée. On peut même se demander pourquoi tant d'uvres théâtrales, aujourd'hui, se passent de toute trame narrative. Les vidéos, si répandues, ne jouent-elles pas sur les expressions du corps et du visage, comme le demandait Artaud? Et le sens n'est-il pas peu à peu abandonné pour privilégier le rythme, l'intonation ou la sonorité de la voix?
- Delphine : Tu oublies qu'Artaud, lui aussi, construisait rigoureusement ses oeuvres. Le souffle n'était pas improvisé, il était soumis à des lois.
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