Il y a eu deux révolutions coperniciennes en histoire. La première à l'époque des Lumières, quand on a cherché à lui appliquer la méthode scientifique. La seconde au 20ème siècle quand l'historien a renoncé à la fiction des "faits objectifs" et a reconnu que nous ne pouvons reconstituer le passé qu'à partir du présent. On ne peut s'appuyer que sur une mémoire sans certitude. C'est comme si nous sortions du sommeil. L'historien procède par trouvailles, à partir de traces et d'images dont il ne conteste pas le caractère anachronique. Le passé étant définitivement perdu, il faut renoncer à toute substance d'un "autrefois" et accepter l'idée que l'histoire est hystérique, c'est-à-dire qu'elle ne se constitue que si on la regarde. On la raconte comme un récit, ou comme on monte un film d'animation (Exemple : Valse avec Bachir).
Les historiens professionnels résistent à la seconde révolution. Ils veulent préserver les catégories positives de leur objet d'étude. Mais ils doivent se résigner. L'objet "histoire" n'est lisible qu'indirectement, à travers des symptômes, des spectres, des images ou des récits parcellaires. Chaque image est porteuse d'une mémoire, et aussi d'un destin.
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