L'acousmatique est d'abord une invention de philosophe : le sage pythagoricien qui se cache derrière un voile pour qu'on l'entende mieux. Les techniques ont prodigieusement évolué, mais le dispositif est toujours aussi efficace. On croit plus volontiers une voix dont on ne voit pas la source. La tradition biblique l'avait aussi compris depuis longtemps. La voix révélée s'entend mieux, que l'auditeur soit homme du commun, prophète ou Vierge (Annonciation).
Selon Michel Chion, un acousmêtre est un être dont le visage est visible, mais que l'on n'a jamais vu (ce n'est donc pas un dieu, dont le visage est invisible). Au cinéma, hors-cadre ou hors-champ, dans toutes ses postures, il creuse la place du manque. On lui imagine de vastes pouvoirs. Il est, comme la voix archaïque, partout, il voit tout, il sait tout. Quand il prétend ne pas voir, c'est qu'il y a quelque chose de suspect (par exemple une scène primitive). C'est un Autre énigmatique, spectral, un démon. Il ne peut pas se montrer, car il mourrait (même s'il est déjà mort), mais le fait d'avoir voulu l'enfermer est une faute, une hybris.
La radio est comme le téléphone, il n'y a pas de champ, on ne voit pas où ça coupe. Il y a deux inconnues : Qui parle? D'où parle-t-il? Plus la voix est ressentie comme proche, plus la distance est soulignée.
Depuis qu'on peut enregistrer la voix dans des machines, l'acousmatique est devenue la figure princeps de la séparation. Vidé de ses sources, l'espace est devenu vocal. L'écoute acousmatique est devenue la plus courante. La voix est toujours un organe rattaché à un corps, mais ce corps est invisible. La question D'où vient la voix?, qui était métaphysique, devient concrète.
Mythologie de la voix acousmatique : Echo, la Bat Qol.
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