Derrida reste dubitatif quant à l'existence même de l'art [qui n'est qu'un effet de discours]. Il marque ses distances par rapport à cette notion, en l'attribuant à d'autres (ici Roland Barthes) ou en la renvoyant au logos. Pourtant, a contrario, c'est bien de lui qu'il est question [l'art] dans certains de ses textes sous le vocable de l'oeuvre [Il ne s'agit pas tant de les interpréter que de les laisser s'interpréter elles-mêmes]. Dans l'hypothèse, donc, où il y aurait un art de la photographie [c'est cela même qu'il commente], il révélerait une vérité qui s'exposerait dans le système de son fonctionnement, dans le procès de son développement - c'est-à-dire par auto-affection. La jouissance qu'on en tirerait serait celle de ne pas pouvoir arrêter ce mouvement [ce qui justifie qu'on s'écarte du discours de l'histoire de l'art, car le discours est un cadre, un arrêt]. La photo est une trace, une archive, qui d'avance s'affecte de nostalgie. Elle précède le regardeur, mais d'un autre côté elle reste à venir. Il y aura toujours un autre regardeur qui pourra la faire venir dans son autobiographie, son autobiophotographie.

Le photographe a intitulé cette oeuvre : "Des enfants rêvent à des oiseaux". A cette époque en Pologne (1948), après la guerre, il fallait bien rêver, mais on ne pouvait rêver qu'à des choses réelles.