Certain se sont inquiétés de l'évocation du messianique par Derrida, surtout dans les dernières années de sa vie. La façon dont il répond à Elisabeth Roudinesco en 2001 pourra-t-elle les rassurer? Il réaffirme son athéisme, et même son hyper-athéisme, qui implique de tenter de déconstruire son propre discours. Mais pour cela, il faut passer par un certain lieu qui est le paysage chrétien de la déconstruction, ce paysage heideggerien dont les origines sont luthériennes. "Je poursuis aussi loin que possible la nécessité d'un discours hyper-athéologique, mais en même temps, je ne cesse de méditer la culture abrahamique (juive, chrétienne, dislamique) sans le moindre désir de la détruire ou de la disqualifier (...). Ce qui m'importe, depuis toujours, ce serait une déconstruction de cette déconstruction [celle de Heidegger], de ce "paysage" chrétien de la déconstruction. Il faut donc passer par ce lieu".

Pour recevoir l'héritage de la culture abrahamique, il faut le transformer fidèlement / infidèlement. C'est un passage, un pas - et aussi un risque : "On ne pourra jamais, voilà le destin de l'héritage, on ne devrait jamais vouloir éviter d'avoir été mis dans un mauvais pas. Voire de s'y mettre soi-même."