Qu'est-ce que la modernité? Peut-on la considérer comme une période historique déterminée? Quand commence-t-elle et quand finit-elle? Ces questions ont fait l'objet d'une infinité de réponses. Peut-être commence-t-elle avec la mode ou peut-être est-elle aussi vieille que l'humanité. Je ne prendrai pas position sur ce point. C'est sur un autre point que je voudrais insister : depuis le départ (s'il y en a un) jusqu'à aujourd'hui, la modernité a toujours été double. Si l'on a inventé un mot comme le post-moderne, c'est pour rendre compte de cette duplicité. Le post-moderne ne diffère en rien du moderne; il n'est qu'un des avatars de ce dédoublement.
Nous ressentons cette duplicité sous une infinité de modes : malaise, désordre, discordance, tremblements de la voix, citations, répétitions, retour de fantômes, de comportements et de préjugés qu'on aurait cru disparus (comme chez Goya), crise des oppositions classiques (hymens), déchirements, basculements dans l'art et conjonction de l'art et du non-art, désintérêt, désengagements, ennui, violences, inhumanités cachées sous le voile de humanisme, etc... Partout, sous l'habit du moderne, revient l'ancien, le dissimulé, voire l'archi-dissimulé.
Bref, la duplicité inaugurée au Sinaï continue à se révéler. On la rencontre partout, dans la vie, comme en politique, au cinéma ou dans la structure même des subjectivités.
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