Marc Crépon part du célèbre passage de Valéry où il explique que l'européen recueille trois traditions : Rome, le christianisme, la Grèce. D'une part cette liste n'est pas exhaustive (il y manque entre autres le judaïsme et l'islam). D'autre part, ce dont l'Europe hérite est aussi hérité par d'autres. Il faut éviter deux écueils : rejeter ce qui ne serait pas européen; réserver à l'Europe ce qui serait supposé n'être qu'européen (la raison, le progrès, la science, les droits de l'homme). On ne peut penser l'identité de l'Europe indépendamment de ses altérités, ou de ce qu'elle a construit comme altérités. Toute identité est un tissu de relations. Valéry insiste sur le caractère hétérogène de ces héritages. L'Europe est composée de différents peuples et nations. Elle a développé des relations avec d'autres peuples et nations. Elle est devenue ce qu'elle est par des échanges, des importations et des traductions, en sortant d'elle-même, en transformant ce qui lui arrivait par autodifférenciation. Aucune nation européenne n'a rien qui lui soit absolument et singulièrement en propre. Chaque culture européenne est désappropriée par les autres. L'Europe s'est composée en se traduisant. Elle ne se définit pas de l'intérieur.