En 1753, Greuze expose au Salon La lecture de la bible, et Chardin Philosophe occupé de sa lecture. Les personnages principaux sont absorbés par la lecture d'un livre ou par son écoute. Ils oublient tout ce qui les entoure, et ne sont affectés que par la seule action qui les occupe. Il en est de même dans d'autres tableaux de Chardin, par exemple les différentes versions de L'Etude du dessin, de La bonne Education., ou encore La bulle de savon ci-contre, où les personnages sont accaparés par la mémorisation ou par le jeu. Cette concentration était à l'époque ressentie comme une forme d'expression qui rendait compte des actions réelles de la vie, par opposition aux dérives maniérées de la peinture rococo.

Chardin revient à la simplicité des maîtres du 17ème siècle : Caravage, Poussin, Le Sueur, Georges de La Tour, Vélazquez, Zurbaran et surtout Vermeer et Rembrandt. Mais il fait plus : il la dégage des autres thèmes auxquels elle était liée, il la purifie. Ses tableaux de genre sont le point d'aboutissement d'une évolution qui était passée par Watteau et De Troy. Situés dans un environnement ordinaire, ils ont une dimension naturelle et domestique. Ce sont les scènes les plus triviales comme les jeux et les amusements qui montrent le mieux cette évolution. Même ses natures mortes peuvent être vues comme dépourvues de signification symbolique ou morale.

Pourquoi la veste du jeune homme est-elle déchirée? Pour mieux marquer le fait que le personnage oublie le monde extérieur. Il ne pense à rien d'autre qu'à sa bulle, il ne remarque pas que le temps passe. L'image peinte, immuable, représente la durée elle-même, qui se prolonge malgré la fragilité.