Après avoir réduit la fonction de la préface, en avoir détruit et éliminé jusqu'à la possibilité même, Derrida y succombe. Voici qu'il annonce ce qu'il va faire dans le "présent Traité" (c'est-à-dire le livre intitulé La dissémination). Que ce texte d'ouverture s'appelle hors-livre ne lui interdit pas de présenter le livre. Alors quel est le projet, le programme, l'objet de ce livre? Accomplir le Livre de Mallarmé [celui que Mallarmé se proposait d'écrire dans ses notes programmatiques]. Accomplir n'est pas écrire, puisque ce grand Livre est fermé. Il y a écriture, mais hors du livre, à ses marges : une écriture sérieuse, nécessaire, agencée rigoureusement, régulée, mais en même temps ouverte au hasard, au reste, au surplus. C'est cette ouverture qui fait écrire sur la tranche [c'est-à-dire au bord, à la limite du bord, sur la quatrième surface où la scène se brise]. Tel est le projet derridien qui n'est pas dirigé par un savoir, mais pas non plus improvisé. Le savoir absolu ne peut "rien penser qui s'ajoutât au tout" (p71). Seule la dissémination, par une re-marque (la réitération du reste) qui est aussi une soustraction du tout, peut produire cet effet de totalité par lequel le livre "n'est plus un objet fini et posé, reposant dans l'espace de la bibliothèque" (p72).

[Ce qui vient sur la tranche du livre est supplémentaire, un livre en-plus qui respecte le livre, garde sa fermeture intacte, mais l'entraîne dans une supplémentation au carré, à laquelle nulle bibliothèque ne résiste].