Les oeuvres visuelles de Schwitters ne jouent pas sur la séduction, bien au contraire. Dès 1918, ses collages dadao-merziens sont faits de déchets et de détritus. Ils ne font guère appel à notre sensibilité, et les références à sa chère Anna Blume sont rarement émouvantes. On s'intéresse rarement à ses tableaux pour leur valeur esthétique. Bref, sa célébrité tient plus à sa place dans l'histoire de l'art qu'à ses oeuvres, quoique quelques exceptions confirment la règle, par exemple :

- les dessins (i), dont il a fait une soixantaine entre 1920 et 1932. L'objet (i) est, selon lui, un objet quelconque (ce qui ne l'empêchait pas de les choisir avec soin). Cet objet est visuel, mais aussi vocal et rythmé. Fabriqué à partir de feuilles récupérées, il est à la place de la lettre (i), au milieu de l'alphabet. Il correspond à une sorte de pratique minimale de l'art.

- sa Sonate de mots, la UrSonate. Elle ne peut pas ne pas produire un effet sur l'auditeur, quel que soit son niveau d'information. Qu'un tel effet se situe du côté du rejet ne change rien au fond. Cette sonate pourrait être le coeur de son oeuvre (contre toute évidence chronologique). Composée entre 1921 et 1932, elle est à peu près contemporaine des dessins (i).

- quelques terribles images de souffle.

Dans l'oeuvre de Schwitters, l'espace de dissémination (avec sa figure supplémentaire, le i)), et l'espace vocal convergent.