Selon une distinction proposée par Barthes, on peut distinguer l'écriture d'un artiste (ses choix conscients, son engagement) de son style (la façon dont il symbolise, une poussée qui plonge dans sa mythologie personnelle et secrète). Kiefer est un artiste classique sous l'angle de l'écriture. Contre le formalisme et le modernisme, il dénonce le danger d'un art sans contenu. Il développe des thèmes et des motifs au sens de Panofsky (la paille ou le plomb ne sont pas seulement des matériaux, mais aussi des motifs). Chaque oeuvre est une variation iconographique du thème représenté. Des mots écrits et lisibles hantent les oeuvres et leur donnent souvent leur titre. Certains titres font des tableaux une représentation. Des poètes sont cités, de façon parfois indirecte ou indécidable, mais qui éclaire la compréhension de l'oeuvre. Il s'agit d'une forme contemporaine de l'ut pictura poesis.

Kiefer pratique cette écriture classique de façon à la fois ostentatoire et paradoxale. Il tient à maintenir l'idée de la grandeur de l'art. Il a conscience de lui en tant qu'artiste, et de la dimension auratique des oeuvres. Il donne orgueilleusement corps aux mythes. Mais en même temps il prend acte de l'effondrement des dispositifs classiques. Même à travers le retrait du sens, le style de Kiefer manifeste, même à travers son échec, un désir infini de sens (p321).

A la place de la tête vient un empilement de livres oubliés.