La rupture qu'opère Manet dans la peinture est profonde. Ce sont :

- un abandon de la perspective. Dans l'Exécution de l'empereur Maximilien (1867), les victimes sont représentées plus petites selon une technique archaïque, mais le mur est droit, sans perspective. Le tableau se clot sur lui-même, la profondeur n'est plus objet de perception. La distance spatiale des personnages est donnée par des signes qui ont un sens à l'intérieur de la peinture, et non pas par des lignes géométriques. Dans Dans la serre (1879), les diagonales sont très courtes, écrasées par les horizontales et les verticales - alors que la représentation de la perspective exige de longues diagonales et des obliques.

- de nouvelles techniques de la couleur avec l'utilisation de couleurs pures.

- de nouvelles formes d'éclairage et de luminosité dont la source n'est pas intérieure à la représentation, mais relative au tableau dans sa matérialité.

Pour "rendre possible" l'avenir, il faut renoncer à certaines contraintes : la perspective, le récit (qu'il soit mythologique, esthétique, social).

A noter, dans le tableau ci-dessus, une particularité étrange des mains du personnage masculin, Jules Guillaumet : elles sont dépourvues d'ongles. Ce détail a fait l'objet de nombreux commentaires : pourquoi Manet, qui pouvait peindre avec soin d'autres parties du tableau, négligeait-il volontairement ce détail? Dans d'autres tableaux, il garde les mains ouvertes pour ne pas avoir à représenter les ongles.