Il n'y a de sens pour une existence (que ce soit un sujet, une conscience, un homme ou un animal) que dans la mesure où un processus d'appropriation est en marche. Il faut que je puisse m'approprier, m'approcher, voir ce que je vois, identifier, reconnaître, pour qu'il y ait un sens. Mais le sens ne dépend pas de moi. Je ne peux pas totalement me réapproprier. L'appropriation est finie, limitée, virtuellement interdite. Je suis d'avance mis en échec. Le mouvement est toujours double : je me porte vers le sens, et je désire qu'il me reste étranger pour pouvoir me porter vers lui. Il faut que j'essaie de faire en sorte que cela soit à moi, mais pour que cela ait un intérêt quelconque, il faut que cela reste assez autre, il faut que cela reste dehors. L'appropriation est inséparation de l'expropriation, elle est ex-appropriation.

Cela vaut aussi pour le manger, le boire ou la perception, et pour toute intentionnalité. Toute appropriation est finie, menacée, instable. On est toujours endeuillé. C'est la loi la plus générale à partir de laquelle on puisse approcher le sens.