Ainsi s'explique le malaise du Salon de 1859. On a l'impression qu'il ne se passe plus rien en peinture, que tout est décevant. Plus aucun thème ni aucun style ne semble adéquat. Peinture d'histoire, peinture de genre, paysage, tout semble surranné. La bande de jeunes qui deviendront la génération de 1863 (Manet, Legros, Whistler, Fantin-Latour) puis les impressionnistes (ils ont 20 à 30 ans : Degas, Bazille, Monet, Renoir, etc...) tente un renouveau qui s'appuiera sur quelques grands ancêtres encore en vie comme Delacroix et Courbet. Les oeuvres seront rejetées au Salon, mais le nouveau courant se met en place à l'aveugle.

Gustave Moreau - qui avait déjà 33 ans - avait ouvert la voie d'une toute autre façon avec ses tableaux mythico-symbolistes. Dans les années 1860, la voix y occupe une place centrale. Or la voix, même sous forme mythique, vise la présence. Que Degas se soit ultérieurement éloigné de Gustave Moreau ne change rien à cette affinité.

Le présent de la nouvelle peinture n'est pas statique comme celui de la peinture réaliste ou des scènes de genre, il est en mouvement. Il cherche à capter un monde en transformation permanente. Il privilégie les scènes éphémères, instantanées, qui marquent une transition.

Son regard saisit l'instant, le court instant où nous la regardons aussi.