Le cinéma prend la suite du roman classique. Il est né à l'époque de l'individu ou de la personne. Contrairement au théatre, qui met en scène une collectivité, le spectateur est solitaire quand il voit un film. Il n'a que faire d'être lui-même vu. Il est immobile et silencieux. Il s'identifie à un regard pur (identification primaire). Il fait noir dans la salle, le visible est exclusivement du côté de l'écran. Aucun spectacle n'est mis en commun. Le spectateur renonce à ses propres désirs, à ses fantasmes. Il renonce à être lui-même sujet de l'énonciation pour prendre une place de sujet vide, absent, une pure capacité à voir, un simple réceptacle qui reçoit l'histoire racontée par le film (instance sans énonciateur). Ainsi le film comme énoncé (sans énonceur) résonnera mieux.

Le spectateur, vidé de son être, pourra s'identifier à la caméra, tout le vu étant rejeté du côté de l'objet. Cette posture correspond à celle du point de fuite de la perspective classique, tel qu'inventée pour la peinture et continuée d'une autre façon par le cinéma. Par rapport à cela, l'identification aux personnages est secondaire.