On dit que toute oeuvre se caractérise par une façon d'imposer une figure à un fond. Mais déjà, Michel-Ange laisse dans la main de David une pierre brute, non travaillée. Le chaos de la pierre, indice qui joue son propre rôle, subsiste dans l'icône apolinienne. Le matériau même de la sculpture est pointé sous la figure esthétique. Plus tard, le fond prospérera. Dans la dernière Pietà de Michel-Ange, les corps semblent glisser à même la pierre dans l'informe béance de la mort. On trouve une même évolution chez Titien [et Goya, Turner ou Whistler], sans parler du petit pan de mur jaune dans la Vue de Delft de Vermeer dont les couleurs explosent à la vue de Bergotte et le terrassent (dans le texte de Proust) : irruption primaire et coulée de réel.

Cette poussée du réel est appelée au 20ème siècle à de vastes développements : le collage cubiste, les montages dadaïstes, les gros plans du cinéma ou de la télévision (où l'on voit transpirer les acteurs), la danse (dégagée de toute fiction), la cruauté d'Artaud, la pornographie, etc... Mais la présence réelle n'est jamais totalement crue. Elle passe par les détours du semblant, par l'expression, par les codes de la présence.