(Ouzza : Hubert se présentait presque toujours comme ça : un érudit, un savant qui, dans un premier temps, s'appuie sur les connaissances les plus pointues pour montrer, dans un second temps, que la vraie question se situe tout à fait ailleurs).

- Hubert : Toute périodisation est contestable et un peu ridicule, mais tant pis. Concernant Cézanne, en voici une qui est inspirée du livre de Michel Hoog, "Cézanne, Puissant et solitaire" : jeunesse (1859-1871), impressionniste (1872-79), constructive (1880-1890/95), recherche de la vérité (1895-1906). On commence donc par la jeunesse, et on finit par la recherche de la vérité, en s'appuyant sur une fameuse citation d'une lettre à Emile Bernard qui l'engage lui-même, et engagera après lui tous ses héritiers. Supposons que sa jeunesse (il était né en 1839, mort en 1906) se termine quand surviennent, en 1870-71, deux événements concomitants (je ne parle pas de la Commune de Paris, qui occupe une place si importante dans la vie de son contemporain Courbet mais à laquelle Cézanne est resté indifférent) : il s'installe en couple avec son modèle Hortense Fiquet dont il aura un fils en 1872, et il se rapproche de la manière impressionniste. Ce changement est simple, clair, et assez visible sur les toiles. Sans même se référer aux paysages, il suffit de comparer les versions 1 et 2 d'une Moderne Olympia, et aussi les versions 1 et 2 du Punch au rhum. L'homme se tourne enfin vers la sensualité (c'est-à-dire ce vers quoi il a toujours tendu). En renonçant à la manière sombre et traditionnelle, il s'ouvre un avenir, mais cela ne veut pas dire qu'il se rallie à la problématique impressionniste. Sa problématique à lui est plus complexe, elle ouvre à ce nouvel espace qu'il laissera en héritage.

Dans cette chronologie, nous voici parvenus aux années 1880. La suite est plus complexe, et aussi bien plus audacieuse : il abandonne la perspective, il aplatit les plans, ses touches deviennent carrées ou triangulaires, il ne couvre plus la toile, bref, il enfante cet autre espace qui fera tellement jaser. C'est sa période "classique" (dite aussi constructive). Mais nous ne sommes pas au bout. Il y a encore quelque chose après, et c'est là que ça se corse.

Quand, après l'exposition organisée par Vollard en 1895, il commence à être reconnu, il s'isole. Il peint des Baigneuses ou des Joueurs de cartes sur lesquels il réfléchit longuement. La perspective traditionnelle et le modelé par les ombres sont définitivement abandonnés. Les toiles s'agrandissent, les compositions se complexifient. Des objets symboliques comme le crâne ou le Cupidon sont introduits. Les volumes sont encore simplifiés. Alors vient une autre rupture, la rupture décisive qui ouvrira la voie à l'art abstrait : il ne s'agit plus de dissoudre ou de travailler l'espace traditionnel, mais de déconstruire ce qui, en lui, fait image. Il ne s'agit plus de faire illusion avec la peinture, mais de la faire surgir dans sa matérialité. Le savoir-faire traditionnel n'en est pas supprimé, mais déplacé.

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Propositions

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