Messianisme est un mot de la tradition biblique. Jacques Derrida parle de messianique ou messianité sans messianisme pour désigner une structure qui n'est pas liée à une religion déterminée, mais à la croyance en général. Croire, c'est s'ouvrir à la venue de l'autre sans savoir ce qui en sortira, c'est-à-dire abstraitement. Cette croyance n'est garantie par aucun savoir, aucune conscience, aucune prévisibilité ni calculabilité : rien d'autre que le témoignage. Elle s'attend au meilleur comme au pire, même si un invincible et irréductible désir de justice se lie à cette attente. D'avance, elle s'inscrit dans "la promesse qui habite tout acte de langage et tout rapport à l'autre" - c'est une foi universelle qui vient avant tout autre, dans le désert, sans dogme, sans assurance ni horizon, dépouillée de tout, dans le risque de la nuit absolue. Seule cette foi [qui vient avant toute culture, toute religion] est universalisable, elle seule permet un discours rationnel et l'analyse du fondement paradoxal de la loi.

La supposition d'une telle foi ne peut pas s'enfermer dans une opposition traditionnelle entre raison et mystique, car la raison elle-même doit reconnaître que l'autorité a, comme la loi (ou la loi de la loi), un fondement qu'on peut dire mystique : le fiduciaire.