C'est probablement l'une des définitions les plus pertinentes de l'art moderne : un art qui se veut autonome. Telle est sa volonté (si l'art peut en avoir une) ou l'impératif auquel il se soumet, quitte à aller pour cela jusqu'à l'anti-art. Mais le résultat n'est pas convaincant. Plus il s'affirme autonome, plus l'art est représentatif de son époque, celle de l'ipséité, de la logologie et des fantasmes d'autoréférence en tous genres.
Autonomie est un mot-écran. Il en cache d'autres comme pureté, présence, esthétique, et aussi beauté. Ce mot se rattache à l'un des versants de l'auto-immunité derridienne : le propre, l'indemne. Il engage dans une logique de type religieux. L'art est de plus en plus épuré, jusqu'au point où il n'est plus qu'un nom propre.
Une oeuvre dite autonome se retranche du monde, elle s'en écarte, elle se pose comme hétéronome, dissonante, comme la plus radicale des expériences d'altérité. Se présentant comme l'autre face de cette Chose qu'est l'art, elle témoigne et peut-être démontre la fécondité de la théologie négative.
L'autonomie a un coût. Ce que l'art gagne en autonomie, il le perd quelque part : en poids spirituel, en puissance mythique, en influence, etc... Inversement, ce qu'il perd en autonomie, il le gagne en puissance financière, commerciale ou relationnelle.
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