Dans la perspective numérique qui correspond à la seconde phase d'Internet, des codes prennent la place des points de fuite de la perspective spatiale. Ces codes, distribués dans le réseau, tendent à se reproduire suivant un processus "autopoïétique", c'est-à-dire auto-organisé, partagé et a-centré, contrairement à la perspective temporelle qui conserve la structure hiérarchique de la perspective spatiale.

Chaque terminal est routeur de tous les autres. Chaque routeur localise les autres selon le point de vue qui lui est propre. Son code occupe une position analogue à celle d'un point de fuite : le code de fuite. Les images globales des réseaux sont produites au niveau local à partir d'une carte sémantique. Une intention s'exprime localement par la création d'un nouveau code.

Cette perspective est un pur produit de la logique instrumentale. Son modèle est proche d'un code génétique où chaque espèce répond aux changements de son milieu par des mutations génétiques. Les réseaux sociaux du web 2.0 en sont une anticipation. On peut l'étendre et le développer à de nombreux aspects de la vie sociale. Exemple : faire en sorte que la gestion des identités et des informations dont les citoyens sont la source soit décentrée et contrôlée par l'utilisateur lui-même. Généraliser ce type de mesure peut faire naître une nouvelle légitimité politique.

Les effets produits sur les foules sont encore inconnus. Partant de l'idée que, dans ces foules, le local ne peut pas s'inscrire dans le global, les évolutions sont imprévisibles. Aucun calcul ne permet de les anticiper.

Si les codes de fuite sont mobiles, imprévisibles, la perspective ne se laisse ni classer, ni cadrer. Elle n'oriente pas, elle désoriente.