Il semble qu'on parle un peu moins du post-moderne depuis qu'on y est jusqu'au cou. Bien qu'on n'apprécie pas toujours ce convive-là à notre table, il sait se rendre indispensable. Sa productivité est insatiable et sa métamorphose facile. Collant, insistant ou vulgaire, il réussit à poser des questions neuves, parfois inouïes, tout en recyclant des valeurs et des comportements qu'on croyait dépassés. Le cas échéant, il peut aussi se montrer modeste ou discret jusqu'à la futilité.
Qu'est-ce que le post-moderne? 1. Ce qui succède au moderne. 2. Ce qui, à l'aube du moderne, faisait déjà sa duplicité. 3. Ce qui, après les apories du moderne, tente de nous réconcilier. Il ne s'agit ni de dialectique, ni de chronologie, mais d'une véritable loi : pas de moderne sans post-moderne, pas d'affranchissement sans tout ce qui l'accompagne et l'excède, de la dictature du marché à l'impératif du n'importe quoi.
S'il y a du post-moderne, c'est parce que le moderne était déjà inconsistant. Son épuisement final résidait dans son principe : être à distance de soi, rompre avec son temps, s'auto-critiquer. Pour tenir sur soi un méta-récit ou un méta-discours, il faut se croire hors de soi. S'étant toujours vue de l'extérieur, la modernité a toujours été incrédule sur elle-même. S'étant donné son propre nom, elle ne pouvait le dire qu'avec réticence.
La difficulté pour ceux qui n'y croient pas ou qui veulent s'en débarrasser, c'est que le postmoderne se moque de la chronologie. Il a assisté de très près à la naissance du moderne, et il l'accompagnera jusqu'à sa mort.
Pour lui l'art est pure présence, il n'est qu'une voix.
|