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Sources (*) : Un triple essai sur le nom               Un triple essai sur le nom
Jacques Derrida - "Sauf le nom (Post-Scriptum)", Ed : Galilée, 1993,

Sauf le nom (Post-Scriptum) (Jacques Derrida, 1993) [SLN]

   
   
   
                 
                       

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Texte de 116 pages, non compris le "Prière d'insérer" et y compris les notes. Le texte est daté d'août 1991. Quand il a paru en français (1993), une première version avait déjà été publiée en traduction anglaise sous le titre Post-Scriptum (sous-titre : Apories, voies et voix) dans un volume consacré à la théologie négative (Derrida and Negative Theology, sous la direction de Harold Coward et Toby Foshay, 1992). Dans le livre en français ce premier titre a été ajouté comme sous-titre au début du texte, mais il ne figure pas dans la page de garde.

Le "Prière d'insérer" est identique dans les trois essais Passions, Sauf le nom et Khôra, qui ont été publiés la même année chez Galilée. Derrida précise qu'ils forment un ouvrage indépendant, une sorte d'Essai sur le nom qui peut se lire en trois chapitres dans cet ordre, qui n'est pas celui de la première publication (Khôra date de 1987, les deux autres textes de 1991).

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Ce texte, donc, dont le sous-titre est post-scriptum, se présente d'un seul tenant, sans subdivision. Pourquoi ce sous-titre? Il ne renvoie pas spécialement à sa position (car tout texte vient après d'autres, tout texte peut être lu comme un P-S), mais au post-scriptum comme tel, c'est-à-dire, pour simplifier, à son concept, son quasi-concept derridien. Avant toute chose, en secret, un post-scriptum irréductible est déjà là. Il est originel, nécessaire, impliqué par le langage. C'est quoi? Rien. Un désert, une aporie, un lieu où il est impossible d'aller, auquel la tradition a donné divers noms : Babel (juifs), Khôra (grecs). L'une de ces traditions (dite théologie négative), plutôt chrétienne, sur laquelle Derrida s'arrête dans ce texte, nomme ce lieu Dieu. C'est un Dieu singulier, absolument inaccessible, qui naît de rien, tend vers le rien et ne vient qu'après-coup, en excès, en surenchère. Ce lieu qui tire son énergie d'un événement qui a déjà eu lieu (la différance) déborde le langage. Pour ce qui le concerne, Derrida l'a nommé post-scriptum. En ce lieu indéconstructible, inviolable, ce qui advient s'efface, ce qui vient se retire (X sans X), ce qui arrive est au-delà de l'être, et même au-delà du nom.

C'est ici qu'il faut reprendre l'ambiguité du titre, Sauf le nom. Ce nom, le nom de Dieu, c'est une extériorité, une exception. Il se retire de là où il est supposé être (premier sens du mot "sauf" en français). Mais il y a un deuxième sens qui contient une obligation, un commandement : il faut que ce nom soit sauf, il faut le sauver. Sauver quoi? Sauver le désert, l'aporie. Et pourquoi? Selon Angelus Silesius, La rose est sans pourquoi, mais selon Derrida, mieux vaut s'abandonner à l'aporie, au retrait, ne pas se figer dans une structure. Ce que Derrida retient de la théologie négative, c'est qu'en désirant sauver un nom sans référent qui nomme le rien, le retrait, la kénose, il ne reste que le Il faut de Il faut le nom. Il faut... quoi? Un nom sans contenu. Il faut préserver le Il faut, et il faut aussi préserver l'ouverture à venir du Il faut, le rien. Le titre, Sauf le nom, recouvre cette paradoxalité : sauver ce qui tient lieu de nom de Dieu dans la théologie négative, c'est témoigner de l'indétermination du réceptacle, c'est préserver l'ouverture de l'avenir, l'à-venir. D'ailleurs le texte se termine, significativement, par un double renvoi (pp106, 108) à la démocratie à venir, cette khôra du politique d'avant toute détermination, cet espacement qui ne peut se dire qu'à travers les apories de la dite théologie négative. Ce qui l'intéresse dans la possibilité de ce courant de pensée, c'est qu'on puisse aujourd'hui en déduire une "politique", un"droit", une "morale" (avec des guillemets car en ce lieu, il faudrait trouver d'autres mots).

Ce qui arrive dans la théologie négative, c'est la nomination même. Angelus Silesius croit que Dieu n'est rien, qu'il ne donne rien, sauf son nom. L'impératif, c'est de sauver ce mouvement, cette déclaration performative, cette férence. Et pour cela, rien de mieux qu'une autre déclaration performative : un post-scriptum, le post-scriptum derridien du laisser-être au-delà de l'être. Jacques Derrida, lui, croit qu'une déclaration, une nomination, ça produit de l'effet. Ça oblige, et quand l'obligation porte sur le lieu le plus aporétique, ça oblige à l'impossible, au plus impossible. Désirer aller là, en ce lieu, c'est une décision irresponsable, une passion.

 

 

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Formulations à partir de ce texte (les têtes de chapitre sont entre crochets) :

 

["Sans" et "pas sans" sont les mots les plus difficiles à dire et à entendre, les plus impensables ou les plus impossibles]

["Sauf le nom" : Il faut sauver le nom (de Dieu) pour se rendre, au-delà de l'être, en ce lieu "post-scriptum" qui s'abandonne à l'aporie]

Par définition, il faut que les énoncés de la théologie négative se vident : ils gardent le vide et se gardent du vide, en kénose du discours

La théologie négative adresse à l'ami l'injonction ultime : il faut qu'en naissant de rien et en tendant vers le rien, il vienne à l'être, il se fasse écriture

Par sentence, affirmation, déclaration, la voix blanche de l'apophase consiste à aller toujours plus loin qu'il n'est raisonnablement permis

En allant toujours plus loin, la théologie apophatique témoigne du plus intense désir de Dieu

Dans n'importe quel amour, on peut reconnaître la création définie comme retrait, kénose, renoncement, délaissement ou production expropriante

Sans passage assuré, sans route frayée ou fiable, le désert est une figure de l'aporie, et aussi l'autre nom du désir

Le nom donné au-delà de l'être n'appartient ni à celui qui donne ni à celui qui reçoit - telle est l'essence ou l'inessence du don

La déconstruction partage avec la théologie négative l'expérience de la possibilité (impossible) de l'impossible, du plus impossible

Le nom de Dieu, qui produit le dehors, se conjugue avec une passion du lieu : se rendre dans le nom au-delà du nom, là où il est impossible d'aller

Axiome : "Il n'y a que du bord dans le langage"

Le nom de Dieu invite à deux expériences absolument étrangères du lieu : la parole divine créatrice (vococentrisme) / un lieu plus ancien : Khôra (au-delà de l'être)

La passion, c'est la décision irresponsable d'aller au-delà du présent de l'être; elle laisse une blessure, une cicatrice en ce lieu où l'impossible a lieu

La théologie négative, cet idiome qui est aussi un langage, met à l'épreuve les limites constatives du langage; elle garde leur raréfaction, elle l'archive et l'institutionnalise

Double bind de la théologie négative : son autorité lui vient de son désir de dire, par sa bouche et d'une voix juste, le propre de Dieu - qui consiste à n'avoir rien en propre

De la possibilité de la théologie négative, on peut aujourd'hui déduire une "politique", un "droit", une "morale" - un laisser-être qui oblige à mettre ces mots entre guillemets

Les énoncés de la théologie négative, vides de toute plénitude intuitive, sont répétables, formalisables, transmissibles et, en principe, traductibles sans limite

La théologie négative prescrit un "Il faut" exemplaire de tous les "Il faut" : dans le langage et sur le langage, dans le nom et au-delà du nom, il tend vers l'au-delà de l'être

Tourné vers le secret de sa non-manifestation, l'athéisme témoigne d'un insatiable désir de Dieu, mais il peut aussi rester radicalement étranger à tout désir

Déjà, originellement, en secret, un post-scriptum irréductible aura laissé toute chose - sauf le nom : Babel, Khôra, théologie négative, ou déconstruction

Sauf le nom (Post-Scriptum) (Jacques Derrida, 1993) [SLN]

 


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Sources
DerridaBiblio

1993_SLNPSS

EssaiNom

BG.MMP

YYA.1993.Derrida.JacquesGenre = -