L'artiste qui invente des formes neuves, sans souci d'imiter le monde ni la nature, a-t-il d'autres sources d'inspiration que l'activité propre de son esprit ou celle de sa vie imaginative? S'il ne se réfère à rien, cela veut-il dire qu'il ne manifeste qu'un monde-soi, un monde incommunicable qui est en lui? C'est le point de vue de Kandinsky dans son livre édité en 1912, Du spirituel dans l'art, dans la lignée de Novalis, de Wagner et du symbolisme. Selon eux, la volonté atteint son plus haut degré dans l'inspiraton musicale, elle donne une forme à l'insaisissable. Mallarmé, Proust, l'existentialisme et de larges courants contemporains se rattachent à cet idéalisme lyrique.

Pierre Francastel défend un autre point de vue : dans l'art abstrait, c'est l'imagination qui invente des formes réelles, qui existent dans le monde extérieur. L'art est un réalisme constructif. L'esprit humain est à la fois créateur et création : là est le secret de l'art. Le problème de l'art abstrait se pose en fonction d'une création en acte de formes artistiques. Dans la société moderne, la réalité n'est plus éprouvée comme un modèle fixe. Elle est produit par l'activité humaine. De même l'art produit des oeuvres et s'incarne dans la matière. Il est intentionnel. Il n'est d'art que s'il y a répétition volontaire, orientable (p205).