"Il y a une Internationale qui, d'ailleurs, et c'est la singularité de notre temps, ne peut se développer que sur les réseaux qu'elle combat, en utilisant les moyens de l'adversaire. A la même vitesse contre un adversaire qui est en vérité le même. Le même en deux, à savoir ce qu'on appelle le contemporain dans l'anachronie criante de sa dislocation. Indemnisation auto-immune" (Foi et savoir, p87).

Derrida utilise rarement le mot "contemporain". Dans ce passage, il s'en sert plusieurs fois, dont une entre guillemets. Qu'est-ce que le Contemporain (que j'écris avec une majuscule, pour le distinguer du nom commun usuel ou de l'adjectif)? C'est ce qui se passe aujourd'hui (le mal d'abstraction) et qu'il qualifie aussi, un peu plus haut, de singularité de notre temps, ce temps original et sans précédent, ou encore, de notre temps et nul autre, ou encore d'aporie de notre temps, ici maintenant.

Quelle est la caractéristique unique de l'époque que nous vivons, aujourd'hui? Elle ne peut se développer que sur les réseaux qu'elle combat, dit-il. Aujourd'hui, le combat contre soi-même est porté à son paroxisme. Dans le double mouvement des religions et des technosciences qui s'en prennent à un adversaire redoutable qui n'est autre qu'elles -mêmes (auto-immunité), le Contemporain réalise le dédoublement qui est à la base de la pensée derridienne : le même en deux qui s'auto-affecte, hors de ses gonds,