Derrida a dit un jour qu'il aurait aimé dessiner aussi bien que son frère. Il suggère ici que, pour conclure son propos sur la religion, il aurait fallu qu'il soit peintre. Qu'aurait-il peint? Une nature morte intitulée : Grenade entamée sur un plateau un soir de Pâques. Pourquoi un soir de Pâques? S'il s'agit de la tradition juive, ce n'est pas un Seder de Pessah, mais la Pâque du nouvel an (Roch Hachanah) ou celle du nouvel an des arbres (Tou Bichvat). On y mange une grenade comme symbole de fécondité et de respect des commandements qui sont en nombre fini : 613 (autant que de grains dans une grenade). C'est le fruit le plus généreux, celui de la dispersion, de la dissémination.

Mais l'ontothéologie encrypte la foi. Pour décrire cela, Derrida propose la figure d'une grenade entamée, un soir de Pâques, sur un plateau. Il s'agit d'une figure peinte, d'une nature morte. Ce serait la figure du secret d'un marrane espagnol qui aurait tout oublié. Ne resterait, au fond de la crypte, que cette grenade qui continuerait cependant à engendrer, incalculablement, des suppléments, qui se disperserait, se multiplierait, indépendamment de tout jugement, de toute vérité.

Que serait un témoin dont la foi ne serait plus dirigée vers la vérité?