Vincent Van Gogh est resté un mystique jusqu'à la fin de ses jours. S'il a rompu avec son père, s'il s'est dissocié des religions instituées, ce n'est pas pour s'écarter de la foi, c'est pour remonter à ses sources pures. Il a transféré dans la peinture son désir de prêcher. Il s'est vécu comme un messie raté, un missionnaire incapable de transformer son intuition en oeuvre tangible, un idolâtre au service d'une prostituée sacrée. Certes il avait tort, et ce que lui ne voyait pas, les autres l'ont vu : dans la clarté du jaune sur fond bleu, la chose était bien là, indemne de toute pollution. Elle avait le pouvoir de susciter une ferveur étonnante. S'il s'est effondré le 24 décembre 1888, c'est parce qu'il savait que le miracle d'Arles ne se reproduirait pas. Le salut était inséparable de la damnation. Pourquoi vivre quand on n'a plus d'avenir? Plus tard il s'est tiré une balle dans la poitrine (sans réussir à toucher le coeur) car il savait, en lui-même, qu'on ne touchait pas deux fois au même but.
La vibration de ses toiles est une prière. Ses figures sont des incarnations d'un principe indicible. Dieu s'étant tu définitivement, il faut s'habituer au silence, il faut faire taire les voix dissonantes (même au prix d'une oreille), il faut laisser s'écrire le trait en une sorte d'écriture automatique, d'archi-écriture. Pour faire parler l'enfant mort, il faut être peintre et pasteur à la fois.
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