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TABLE des MATIERES :

                            NIVEAUX DE SENS :

 
   
Henri Atlan                     Henri Atlan
Sources (*) :                
Henri Atlan - "Les Etincelles de Hasard (tome 2 : Athéisme de l'Ecriture)", Ed : Seuil, 2003,

Les Etincelles de Hasard (Tome 2 : Athéisme de l'Ecriture), par Henri Atlan (2003) [EH2]

   
   
   
                 
                       

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sur le livre

 

Table

p9 : Avant-Propos.

 

PREMIÈRE PARTIE : ZOON ET BIOS

p15 : Chapitre 1. Vivre et connaître. Représentations sociales et discours savants.

p31 : Chapitre 2. Les niveaux de l'éthique. Pour une généalogie.

 

DEUXIÈME PARTIE : LE SUJET ET LE TEMPS

p67 : Chapitre 3. Un sujet naturel au 14ème siècle? Déterminé et responsable d'après la doctrine de Hasdaï Crescas

p101 : Chapitre 4. La réalité, la perfection et la gloire

p153 : Chapitre 5. Le dieu des personnes et la forme du corps humain

 

TROISIÈME PARTIE : LE MONISME RADICAL DU CORPS ET DE L'ESPRIT

p201 : Chapitre 6. Un point de vue spinoziste sur l'Evolution et la théorie de l'action. De la philosophie analytique à Spinoza.

p237 : Chapitre 7. Auto-organisation intentionnelle. Vers une théorie physique de l'intentionnalité.

 

QUATRIÈME PARTIE : ENTRE TEMPS ET ÉTERNITÉ

p277 : Chapitre 8. Statistiques et temporalité

p307 : Chapitre 9. La mémoire du rite, métaphore de fécondation.

 

CINQUIÈME PARTIE : LA LETTRE DE L'ESPRIT

p331 : Chapitre 10. Un peuple qu'on dit élu.

p365 : Chapitre 11. Autour de Maïmonide.

p389 : Chapitre 12. Niveaux de signification et athéisme de l'Écriture.

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Le second tome des Etincelles de Hasard, paru avec le sous-titre Athéisme de l'écriture, reprend des thèmes déjà largement développés par Henri Atlan dans ses écrits antérieurs, notamment dans le premier tome des Etincelles de Hasard (Connaissance spermatique) et, entre autres, dans A tort et à raison (Seuil, 1985) : la biologie, la science, l'éthique. On retrouve dans cet ouvrage la double dimension qui fait l'originalité de l'auteur (1) : d'une part, en se situant dans la lignée de Spinoza, il se rattache à la tradition philosophique. Il développe des concepts comme le déterminisme, la causalité, le hasard, la nécessité, la liberté, etc... D'autre part, il appuie cette articulation sur un puissant ancrage dans la tradition juive, y compris la Cabale. C'est ce double aspect de ses livres - soigneusement entretenu par la présentation - qui interpelle et appelle un commentaire. Ces deux démarches sont-elles cohérentes et compatibles? N'y a-t-il pas un choix à faire entre l'une et l'autre? Et comment articuler ces deux références à une troisième dimension de l'oeuvre d'Henri Atlan, son engagement pragmatique dans le domaine de la bioéthique? Compte tenu de la richesse de l'ouvrage, on se contentera d'illustrer les difficultés de la démarche en développant quelques points particuliers.

Selon Henri Atlan, Spinoza nous conduit à l'idée d'un déterminisme absolu. Pour lui, toutes les actions et intentions humaines sont déterminées par Dieu, c'est-à-dire par un système de causalité. L'homme est soumis aux affects et aux causes extérieures. Le libre-arbitre est une illusion qui tient à notre ignorance de ces causes. Pharaon, Moïse ou les frères de Joseph sont les jouets de cette sorte de ruse (alila) qui intervient dans le monde quand nous croyons au libre-arbitre. Cela ne veut pas dire que nous n'ayions accès à aucune forme de liberté, mais nous devons développer une éthique du déterminisme qui peut seule fonder une vraie responsabilité c'est-à-dire une responsabilité inconditionnelle et irréductible tenant à la prise en charge d'un projet. Ainsi le scientifique ou le médecin sont responsables de leurs champs de compétence. Cette responsabilité va très loin : elle inclut celle à l'égard de l'autre homme et aussi du mécanisme impersonnel (du monde). Mais elle n'a rien à voir avec le libre choix ni l'autonomie de la conscience.

Cette thèse repose sur un spinozisme rigoureux et sans concession. La question se pose de son rapport avec le judaïsme. En effet Spinoza avait choisi le camp de la philosophie contre la tradition. Qu'il ait été ou non le premier juif laïque, comme on le dit souvent, son départ de la communauté juive a été volontaire. Il n'a pas protesté contre le "herem" (excommunication) qui l'a frappé, et revendiquait sa rupture avec les pratiques cultuelles de la communauté. Il a fait le choix de la philosophie et s'y est tenu sans concession. Son effort pour donner une place positive à la loi mosaïque, par exemple dans le Traité Théologico-Politique, reste interne à la philosophie, et par conséquent considère le judaïsme du dehors - même si, auteur marrane, il conserve et prolonge différentes dimensions de la tradition juive, comme par exemple le rejet de l'idolâtrie. La loi juive telle que remise au Sinaï reste, selon Spinoza, marquée par l'imaginaire du peuple hébreu et ne se confond qu'en partie et seulement par ses résultats avec le chemin qu'il propose dans le Livre V de l'Éthique.

Quel rapport y a-t-il entre les choix scientifiques fondamentaux d'Henri Atlan et la tradition juive? Ce sont deux discours, deux ordres de réalité distincts, mais qui renvoient à la même "substance" unique. De même que le corps et l'esprit, tout en n'étant reliés ni par des relations causales ni par des relations descriptives, sont réellement identiques, de même la Cabale et la science expriment la même réalité à des niveaux différents - des niveaux de signification qui peuvent se comparer à ceux du Pardès : pchat / remez / drach / sod.

Atlan reprend une équivalence proposée par Joseph Guikatilia (XIIIème siècle) entre les deux noms de Dieu, Yhvh et Elohim, l'un étant rapporté à la "Natura naturans" (dimension active de la nature) et l'autre à la "Natura naturata" (dimension passive). Elohim renvoie à la nécessité de la nature (teva) selon une équivalence numérique (guematria), et Yhvh à une dimension de la singularité, du "je", en tant qu'elle ne peut en aucun cas être fondée sur la biologie. D'une part, le Quoi? qui conduit effectivement à certaines réponses (la science), d'autre part, le Qui?, pour lequel il n'y a pas de réponse comme le souligne le Zohar. Si Spinoza s'impose à nous sous l'angle d'Elohim, cela ne nous interdit nullement de poursuivre notre chemin dans la voie qui nous est ouverte par l'apostrophe "Ani Yhvh", Je suis celui qui vous a délivré de l'esclavage.

D'une part, Atlan met en cause la notion même d'"intentionnalité", qui n'est pour lui que la projection anthropomorphique d'une finalité, mais d'autre part, il affirme avec vigueur sa propre singularité par sa capacité à transmettre et à poursuivre le projet juif dans lequel il s'inscrit. Il y a là une tension, un paradoxe, qui est probablement l'un des aiguillons de sa pensée, et qui se trouve également à l'intérieur même de la Cabale, partagée entre un désir de rationalité hérité de la philosophie et sa définition même (Kabbalah) qui fait d'elle un prolongement actuel de la sagesse des anciens.

Il y a dans Spinoza une recherche du salut par le troisième genre de connaissance, ou béatitude. La béatitude est une science intuitive de soi-même par laquelle nous nous comprenons nous-mêmes de façon adéquate dans notre singularité. Elle est joie, satisfaction à travers la connaissance et la mise en oeuvre des déterminismes. Atlan met en parallèle cette notion avec l'éthique juive. La gloire (kavod) n'est-elle pas amour de soi directement produit par Dieu? Et le baiser de Dieu, qu'ont connu Moïse, Aaron et Myriam au moment de passer dans l'autre monde, n'est-il pas vraie connaissance éternelle de Dieu?

Mais ces considérations ne doivent pas être prises au pied de la lettre. Notre relation au monde doit être gérée avec pragmatisme. C'est ainsi que fonctionnent en pratique quatre niveaux de l'éthique gouvernés par des causalités différentes : plaisir/douleur, bien/mal, éthiques socio-culturelles, éthique universelle, auxquelles s'ajoute une méta-éthique qui permet d'en parler. Pour choisir entre ces différents niveaux, il n'y a pas de règle générale. Il faut s'appuyer sur la situation actuelle du droit, le fait irréductible de la dignité de l'homme (fondé sur sa ressemblance avec dieu), la sagesse des nations et celle d'Israël, et aussi la prévision rationnelle des conséquences prévisibles de nos actes.

Le même pragmatisme se retrouve pour les questions de bio-éthique. Quand un embryon devient-il une personne? Quand sa forme (corps et visage) est reconnue comme humaine. Cette règle talmudique ne se justifie pas par une pseudo-science, ni par la théorie un peu fumeuse de la "personne humaine potentielle", mais par empirisme car il faut bien s'appuyer sur quelque chose de visible. La notion de "personne", qui n'a pas d'équivalent en hébreu, est quand même au fondement de la définition biblique de la divinité : "Le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob" est celui de ces personnes particulières qui ont pris la place des pères.

C'est dans les passages où Henri Atlan se mesure directement à certains vocables de la tradition juive qu'il est le plus passionant. Le tétragramme, qui est le nom de l'être (chem havayah), est le verbe être conjugué aux trois temps (hyh, hvh, yhvh). Le passé, le présent, le futur s'y superposent. L'expression "Ani Yhvh, hou chemi" (Isaïe 42.8) qui peut se traduire "Je suis Yhvh, lui, mon nom", attire notre attention sur le "Je". C'est l'expérience fondamentale d'un "Je suis" en devenir, expérience qui est celle du lecteur de la bible (et, on le devine, d'Henri Atlan lui-même). Qu'est-ce que ce "Je"? C'est ce qui fait ma singularité, le respect de moi-même dans sa partie unique entre toutes : ma souveraineté (malkhout) - qui n'est évidemment pas ma conscience au sens courant mais ce qui fait de moi un être fini dans son rapport à l'infini : "Crainte de ton Elohim".

Il reste à évoquer ce point essentiel de la pensée d'Henri Atlan qu'est l'athéisme. Selon lui, le seul discours sur Dieu qui ne soit pas idolâtre ne peut être qu'un discours athée. En effet l'interprétation se renouvelle de génération en génération. Elle ne peut pas se réduire à une théologie. Elle incite aux jeux de langage dont l'origine est le vide, un vide : ce qui se dérobe à la compréhension. C'est là que se situe la tora infinie qui ne peut être reçue directement par aucun homme, mais seulement indirectement, par révélation, car elle n'est déductible d'aucune connaissance préalable.

Au total, ce livre est formidablement stimulant. Il nous force à sortir de nos catégories figées et de nos a priori en mettant en relation des univers psychologiques et conceptuels a priori hétérogènes. C'est le principe même du hidouch : ne pas se contenter de répéter l'interprétation traditionnelle, la faire vivre à la "lumière" de l'expérience de notre génération.

 

 

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Formulations à partir de ce texte (les têtes de chapitre sont entre crochets) :

 

[On reconnaît un être humain, sujet des droits de l'homme, à la forme de son corps - avec toutes les conséquences éthiques et juridiques que cela implique]

[L'embryon devient humain quand sa forme (corps et visage) est reconnue comme humaine]

[L'expression biblique "Ani Yhvh" signifie que l'être en devenir, en-dehors duquel il n'y a rien (Yhvh), est le "Je singulier" (Ani), la personne]

Le Dieu d'Israël n'est pas le Dieu personnel, mais un dieu des personnes

La personne humaine, en tant qu'elle possède des droits et une dignité, est une réalité juridique, et non pas biologique

Il y a deux types de responsabilité : inconditionnelle et irréductible (être en charge de quelque chose ou de quelqu'un) et contingente (dans l'après-coup d'un événement)

Une nouvelle conception de la responsabilité peut et doit émerger d'une éthique du déterminisme

On ne peut pas fonder la singularité de la personne sur l'individualité génétique, car celle-ci n'est pas le propre de l'humain

Il n'y a pas de mot, en hébreu, qui traduise exactement la notion de "personne humaine" au sens du droit romain

Dans le développement de l'embryon, on ne peut fixer aucun seuil "essentialiste", mais des seuils pratiques, pragmatiques, validés juridiquement pour un contexte

Il se pose, face à l'embryon humain, une question fondamentale : "Est-ce un Qui ou un Quoi?"

Quand le "Je" est pour lui-même, fermé dans l'expérience de la présence à soi, il est un "Quoi?"; et quand il s'ouvre sur l'autre, alors il est un "Qui?"

Le principe de précaution se détruit lui-même car, si son application peut avoir des conséquences pires que sa non-application, il ne faut pas l'appliquer

En hébreu, le verbe prier (lehitpalel) est une forme réfléchie : un discours à soi-même comme s'il était un autre

Les quatre niveaux de signification ou d'interprétation de la tora vont de l'explicite (pchat) à l'implicite, de l'écriture littérale au blanc qui entoure les lettres (sod)

La réalité, la seule réalité, n'est pas constituée par les universaux, mais par les êtres particuliers dans leur singularité, leur unicité

Adam est d'abord un être unique sur la terre, faisant face à un être unique, absolument singullier, dans les cieux

La théologie dualiste de Maïmonide est plus éloignée de la modernité que celle des cabalistes - dont Nahmanide, qui est moniste

En substituant "Adonaï" à "Yhvh" (le nom prononcé au nom écrit) dans la lecture du "Ani Yhvh" de la torah, le lecteur récapitule ce qui, sur lui, est souverain

L'expression biblique "Ani Yhvh" [Je Yhvh, qu'on peut traduire par "Je suis Dieu"] est l'expérience de la loi comme contrat d'alliance, qui associe le fini et l'infini

La négation n'est rien; seul l'être est, et le tétragramme ("Yhvh") est son nom (Chem havayah)

Selon Rachi, la formule "Ani Yhvh" à la fin d'une phrase réaffirme que Dieu, quoiqu'il ordonne, est digne de confiance

"Ani Yhvh" signifie que le "Je singulier" est l'être éternellement en devenir, présent-passé-à venir

Quand Moïse entrait dans la tente du Tabernacle, il entendait l'écho d'une voix se parlant à elle-même

La Cabale est plus proche de la pensée moderne que Maïmonide

La Cabale est plus facilement compréhensible pour nous que l'enseignement de Maïmonide

[L'enjeu des discours sur la divinité n'est pas l'existence de dieu, mais l'existence de la personne humaine singulière, le "je"]

La Cabale fait émerger la connaissance d'ordres de réalité qui lui sont propres, en relation avec ceux qu'explore la science moderne

Dans la culture hébraïque, la personne humaine n'est pas instituée dans un individu, mais dans la rencontre homme-femme - celle de l'autre sexe

Le "tselem" hébraïque (forme ou image du corps humain) désigne la structure du corps elle-même, comme totalité organique et active

Le néant biblique, "Aïn", (Il n'y a pas), ne doit pas être compris comme un vide absolu, mais comme une négation à travers laquelle le fini peut s'ouvrir sur l'infini

Il y a sept vases brisés dans la Cabale lourianique, et sept rois ont régné sur le pays d'Edom avant Israël

La formule "Ani Yhvh" dit que le nom de Dieu, c'est "Je"

"Yhvh Un" est le dieu commun à Moïse, au peuple et à chaque personne en particulier; il est "comme" Elohim (dieu pluriel)

Quand Adam et Eve eurent mangé de l'arbre, ils entendirent la voix de Yhvh dans le jardin, mais ce que disait cette voix, nul ne le sait

Les Etincelles de Hasard (Tome 2 : Athéisme de l'Ecriture), par Henri Atlan (2003) [EH2]

 


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Sources
AtlanParcours

B2.003

YYA.2003.Atlan.Henri

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