1. Mimétologie.
Jacques Derrida nomme mimétologie une mimesis dont le but serait la simple imitation. Pour être crédible, elle se présenterait comme une simple reproduction ou comme une écriture purement phonétique dans laquelle le représentant remplacerait ce qu'il imite. Cette interprétation, qui se réfère à la vérité, a toujours suscité des doutes. Pour Platon déjà, l'opération mimétique, même parfaite, est condamnable car trompeuse - puisque la reproduction ne peut jamais être l'égale de la chose imitée.
2. Mimesis.
Il faut donc proposer une autre interprétation, dans laquelle l'écart entre la chose absente et son double n'est pas critiqué comme une imperfection, mais accueilli comme un plaisir. L'imitation n'est pas supprimée, mais déplacée dans le sens d'une sollicitation, d'une mise en jeu. C'est la logique de la dissémination. Ce qui s'enclenche est encore une économie, mais c'est celle de la jouissance et non pas des valeurs. La production de représentations devient libre, surabondante, détachée de toute référence externe. Derrida appelle economimesis cette libre productivité humaine, qui produit indéfiniment des suppléments. Sa généralisation fait proliférer l'artefact comme la nature.
Ces deux interprétations révèlent la duplicité de la mimesis, entre d'une part la représentation d'un modèle, aussi vraie que possible, et d'autre part la fabrication d'un autre objet qui revendique son altérité. Tout auteur est confronté à cette difficulté, ne serait-ce que par sa signature. Supposée singulière, elle est toujours imitable. Le signataire n'imite-t-il pas lui-même, à chaque fois, sa "propre" signature"?
Quand l'artiste se fait auteur, il imite l'acte divin. Mais son génie ne réside pas dans l'imitation; il se déploie dans la productivité libre.
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