Me Voici, dit le poème, comme l'Abraham biblique qui, allant vers la parole, va vers lui-même. "Le poème est seul. Il est seul et en chemin. Celui qui l'écrit lui est simplement donné pour la route" écrit Paul Celan. Il [l'auteur] est le "Je" des poèmes, mais aussi leur premier "Tu". S'il pouvait les produire par ses propres moyens, ce ne serait plus un poème, il n'y aurait pas de possibilité de rencontre du secret. Seul le poème peut porter attention à la rencontre, en frémir.

Le mot choisi par Celan (dans la traduction française de Jean Launay) est dégagement. La parole du poème est dégagée (freigesetzt), c'est-à-dire qu'elle est consciente de ses limites, mais aussi des possibilités qui lui sont ouvertes par la langue. Il ne s'agit pas d'élargir l'art [c'est-à-dire de l'ouvrir sur la vie, à la façon envisagée par Büchner], mais de reconnaître un lieu étranger, de parvenir dans la proximité d'un Ouvert et Libre (l'utopie, l'infini). Pour revenir à soi, se rencontrer, il faut en passer par ce retrait, ce dégagement qu'est le poème. Un dialogue s'instaure, mais c'est un dialogue désespéré.

S'agit-il dans la poésie de revenir chez soi? D'aller de soi à soi-même? Oui, mais par d'autres chemins : chemins d'une voix, d'une parole sonore devenant visible, d'un Tu qui la perçoit. Chercher, par des rencontres, le lieu de sa propre provenance.

Où conduit ce chemin de l'impossible? A un cercle, un méridien qui, partant des dates singulières du poème, revient. Proposé à la fin du texte, ce mot, méridien, revient au début, son titre. Mais si l'on se réfère aux dates, le point de départ n'est pas exactement le point d'arrivée : depuis un "20 janvier", un autre "20 janvier" s'écrit.