Dans Ion, Socrate explique au rhapsode [le récitant] qu'il ne lui faut aucun savoir particulier pour déclamer. Le rhapsode est comme un devin, il fait partager la voix divine au public. Au contraire, le philosophe vise une maîtrise de l'interprétation (p78). Il ne se contente pas de la déclamation et de la mise en scène du logos. Il lui faut une technique qui lui permette de maîtriser l'immaîtrisable, qui aplatisse la voix du texte sur un sens aussi clair que possible.
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Cette définition de l'interprétation par Jean-Luc Nancy la rabat sur une technique, c'est-à-dire un savoir. L'interprétant met en jeu un sens dont il est déjà propriétaire (un stock de connaissances dont il dispose) pour "comprendre" le texte - le ramener aux significations qu'il maîtrise. Renonçant à ouvrir un autre champ par le jeu imprévisible de l'autre texte, il lit un texte déjà connu, il tend à confirmer son propre discours. C'est ce que fait le critique d'art qui réduit l'oeuvre à des unités sémiotiques, des signes ou à la somme de ses propres déclarations - oubliant qu'une oeuvre s'interprète elle-même, et que pour la rendre accessible, il faut redoubler cette interprétation.
L'interprétation savante conduit à l'iconologie. Même quand elle multiplie les couches de sens, les significations "cachées" qu'elle révèle ne sont que celles que le sujet a introduites.
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