Derrida
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Les collectes de l'Orloeuvre
   
     
Imprononçable, le nom Juif                     Imprononçable, le nom Juif
Sources (*) : La poésie, secret de la rencontre               La poésie, secret de la rencontre
Paul Celan - "Le Méridien & autres proses", Ed : Seuil, 2002, p35 - Dialogue sur la montagne

 

Deux juifs -

Quand le Juif s'en va, il rencontre un autre Juif et lui dit : "Entends-tu? Je suis là, je suis ici, je suis venu, moi et aucun autre"

   
   
   
                 
                       

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Un Juif (mettons Gross) monte, là-haut, sur la montagne. La route est belle, le silence règne (sauf son bâton qui râcle la pierre). Que rencontre-t-il? un autre Juif (mettons Klein) (son cousin germain peut-être, un peu différent de lui, un peu plus âgé ou plus grand). Les bâtons se taisent, la pierre aussi, le silence se fait absolu. Que font-ils, dans cette nature splendide? Ils ne la regardent pas. Suspendu derrière leurs yeux, un voile se meut, s'enroule autour des images. Ce qu'ils voient est moitié image, moitié voile - à moins que chaque image ne soit prise dans le déroulement du tissu. Le silence du bâton et de la pierre est englobé dans les mots, les phrases. Pour le Juif la nature n'est qu'un trou, un blanc dans les mots. Ils voient des syllabes autour, ils ne sont que langue et bouche. Ils ne sont pas présents dans la montagne, ils bavardent. L'été n'est pas l'été. Ce n'est pas pour eux que la terre a été conçue (car ils ne la possèdent pas), nul d'autre qu'eux n'est présent. Ils parlent. En quoi leur bavardage diffère-t-il de celui d'un bâton qui cause avec une pierre, ou d'une pierre qui cause avec un bâton? La pierre dit Il, elle ne dit pas Je ou Tu. Elle ne parle pour personne, tandis que quand deux Juifs se rencontrent, par exemple Klein et Gross, ils se disent mutuellement : Entends-tu?

 

 

C'est ici que le scripteur est renvoyé à ses grands-parents paternels. Klein, le nom de son grand-père, et Grosz, le nom de sa grand-mère, hasard étrange. Ils se sont rencontrés, eux aussi, un jour quelconque dans une rue quelconque, aux confins de la Hongrie et de la Roumanie, et se sont mariés en 1895. Leur rencontre à eux a conjoint les deux noms choisis par Paul Celan : Klein (Michel) et Gross (Esther). Ce nom, Klein, est aussi celui de la mère et du grand-père d'Hélène Cixous, comme le signale Jacques Derrida dans une note de son texte Un ver à soie (p17). Et alors?

 


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