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TABLE des MATIERES : |
NIVEAUX DE SENS : | ||||||||||||||||
Derrida, liberté, libertés | Derrida, liberté, libertés | ||||||||||||||||
Sources (*) : | La pensée derridienne : ce qui s'en restitue | La pensée derridienne : ce qui s'en restitue | |||||||||||||||
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 24 août 2008 | Derrida, inconditionnalités, principes inconditionnels | [Derrida, liberté, libertés] |
Derrida, inconditionnalités, principes inconditionnels | ||||||||||||||
D'un côté, la liberté est prise dans une série de paradoxes, de double binds qui la rendent impossible; mais d'un autre côté, il y a du libre.
1. La liberté souveraine, celle de la parole. La liberté spontanée du sujet, cet être autonome qui se croit capable de produire, en-dehors de toute finalité externe, du signe et du sens, est liée à la voix. Même l'être le plus enchaîné et démuni ne peut être dépossédé du franc-parler ou de la liberté de langage. Il vit cette liberté en l'intériorisant par la bouche. Grâce à elle, il ne cherche plus au-dehors, mais au-dedans, les schèmes universels ou la loi morale. A partir de cette liberté qui réaffirme le privilège absolu de l'humanisme, Kant construit le concept d'art. Selon Jean-Jacques Rousseau, il suffit que le peuple se réunisse dans l'espace d'une seule et même parole, que ce soit pour le gouvernement ou pour la fête, peut jouir pleinement de cette liberté. Mais le sujet est-il vraiment libre? Et le peuple? Quand ils affirment parler en leur propre nom, c'est un autre qui apparaît, un tout autre qui leur assigne cette liberté et cette responsabilité, mais sans leur laisser. Cet autre hétérogène, impensable, qui les excède, les déborde sans se donner à l'intuition, est selon Derrida la véritable source de la liberté.
2. La liberté comme inconditionnalité. On peut penser la liberté comme concept pur, à la façon de ces notions (don, pardon, hospitalité, justice) que Jacques Derrida qualifie d'inconditionnalités car elles n'entrent dans aucune économie, aucun échange. Il faut la liberté. une liberté qui ne dépende d'aucun contexte, qui ne soit bornée par aucune liberté concurrente. La liberté ne se soumet à aucun calcul, aucun constat, aucune vérité. C'est un hiatus, un saut dans l'altérité, dans l'hétérogène. Il faut la défendre partout, par principe, la déclarer, la proclamer. Dans certains cas et certains lieux, on peut la négocier, mais dans d'autres, comme l'université, il faut affirmer son inconditionnalité absolue. La liberté de critique et de questionnement n'a pas de limite. La liberté n'est pas une décision, c'est une injonction, une tâche, une affirmation indémontrable. Elle est prise dans une contradiction, un double bind. D'un côté, elle affirme une toute puissance, elle est indissociable de la souveraineté; mais d''un autre côté, elle se heurte au souverain. Exiger la liberté, c'est critiquer les clôtures, les limites, les normes, c'est résister à tous les pouvoirs, c'est aussi s'engager dans la déconstruction de la liberté elle-même, et aussi de la souveraineté indissociable de cette liberté. Comme maîtrise, la liberté est un pouvoir, mais comme axe d'incertitude ou d'indécision, elle fait trembler la démocratie même. Pour m'adresser à un autre, quel qu'il soit (un prochain, un interlocuteur ou un Dieu), je dois le laisser libre de m'entendre ou de ne pas m'entendre, de me répondre ou de ne pas me répondre. Je dois l'inviter à rester libre. Sans cette liberté, mon appel n'aurait aucune valeur.
3. La liberté incalculable, à venir. Selon une thèse classique, la liberté (ou l'impression de liberté) résulte d'un excès de complexité. Cette liberté contingente reste, en principe, calculable. C'est celle du sujet souverain qui bénéficie d'un espace de liberté. Il faut la distinguer d'une autre liberté où les événements à venir sont, par principe, incalculables. C'est la liberté du sujet exposé, vulnérable, dont les calculs sont excédés par l'autre. Cet incalculable n'est pas contingent, mais structurel. Il ouvre un espacement, un dégagement au-delà de toute maîtrise, une zone d'imprévisibilité qu'on peut appeler "ce qui vient". En ce lieu affranchi du savoir, où les choses ne sont jamais acquises, toujours à-venir, tourne une roue libre, une liberté radicale de jeu et d'indécidabilité. Il n'y a pas une liberté, mais des libertés. Les décisions se donnent au nom de l'autre. On peut rapprocher la beauté libre ou l'imagination kantiennes de cet incalculable. Dans l'un et l'autre cas, un jeu est ouvert, au-delà de toute règle, sans finalité ni adhésion à un but, qui nous prend par surprise.
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-------------- Propositions -------------- -Il ne faut pas parler de la liberté, mais des libertés -Ce que l'humanisme classique appelle "liberté", c'est un hiatus, une altérité absolue, un saut entre l'ordre constatif du savoir et l'ordre performatif du "Je peux", "Je dois" -Il y a liberté quand il y a du non-calculable (qui n'appartient pas, par essence, à l'ordre du calcul) -L'antinomie au coeur du démocratique n'oppose pas liberté et égalité, mais deux espèces de liberté ou d'égalité : calculable (déterminable) et incalculable (inconditionnelle) -Il y a du libre là où "ce qui vient" est imprévisible, où il y a de l'"à-venir" -Il faut, pour mettre en oeuvre "responsabilité", "liberté", "décision", savoir ce que ces mots veulent dire, et aussi penser ce qui, en eux, est hétérogène, impensable -Pour qu'une décision soit responsable, il faut qu'elle soit libérée du savoir, qu'elle soit donnée au nom de l'autre - c'est ce qu'on appelle la liberté -Il y a deux types d'imagination : l'une est mimétique et l'autre met en jeu la productivité libre et spontanée -La beauté libre s'expérimente par une coupure pure, un "sans" sans finalité qui ouvre le jeu -Au centre du concept de démocratie, dans le concept même, tourne une roue libre, une liberté radicale de jeu et d'indécidabilité, plus originaire que tout pouvoir -Double bind : au nom de la souveraineté, il faut la liberté; mais il faut aussi déconstruire la souveraineté, sans remettre en cause la liberté -L'université moderne, qui fait profession de vérité, doit par principe se voir attribuer une liberté inconditionnelle de questionnement, de proposition et de déconstruction -La voix se donne toujours comme la meilleure expression de la liberté -Dès que je parle en mon propre nom, l'autre apparaît comme tel, comme "tout autre" qui m'excède, me surprend, m'assigne liberté et responsabilité, sans me les laisser -Pour pouvoir m'adresser à l'autre - penseur, messie ou Dieu lui-même -, je dois lui prescrire de rester libre, de pouvoir ne pas répondre à mon appel -La fête en plein air est l'élément de la voix, la liberté d'un souffle que rien ne hâche -Sevrés de toute finalité externe, nous intériorisons par la bouche notre existence libre et autonome, c'est-à-dire morale -En démocratie, la liberté est double : comme maîtrise, elle est un pouvoir, comme axe d'incertitude ou d'indécision, elle fait trembler la démocratie même -Un peuple libre au sens de Jean-Jacques Rousseau - celui qui se tient ensemble dans l'espace d'une seule et même parole - est aussi le plus soumis à la harangue démagogique -Kant construit le concept d'art à partir de la liberté, pour réaffirmer le privilège absolu de l'humanisme -Il y a dans les Beaux-Arts à la fois l'organisation hiérarchique des métiers et l'ouverture d'un espace de jeu et de communication universelle entre sujets libres |
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Création
: Guilgal |
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Idixa
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Derrida DerridaLiberte AA.BBB DerridaCheminementsNK.LI.BER DerridaIncondEJ.LLK BL_DerridaLiberte Rang = zQuois_DerridaLiberteGenre = - |
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