Le mot "forme" traduit plusieurs mots grecs (eidos, morphè), qui tous renvoient à des concepts fondamentaux de la métaphysique. La forme se donne dans l'ordre du discours, dans la langue, avec ses phrases et ses mots, fixée dans des cadres et des systèmes d'opposition, dans l'évidence d'un sens, d'une phonè, c'est-à-dire dans la présence même. C'est dans l'indicatif présent du verbe être qu'elle est la plus pure.
La bonne forme, porteuse de l'esthétique humaniste ou de la beauté idéale, s'approprie l'espace. L'artiste en cherche l'extase, mais il suffit d'une lettre ou d'un trait qui se donne à voir hors langue pour qu'elle soit expropriée, déconstruite. Alors la présence n'agraphe plus la trace, l'écriture ne s'arrête plus, elle se dissémine. L'oeuvre contourne la forme, elle l'ouvre, elle l'arrache, la disloque, la circoncit, la greffe. Elle crève l'horizon sémantique. Comme un cri informe, elle s'écarte du logocentrisme.
Le non-présent nous hante. Après avoir laissé sa trace dans la photographie, il passe aujourd'hui par le cinéma ou les télé-technologies. La transmission par l'Internet déhiérarchise le savoir, elle déforme, elle transforme l'espace public. Dans cette turbulence, la forme du livre, elle aussi, est démontée.
Pour accueillir l'autre (le visiteur), je ne peux m'appuyer sur aucune structure pré-établie. Je dois me transformer. La forme sous laquelle je m'ouvre à sa promesse est messianique, sans contenu.
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