L'art de Barnett Newman n'est pas sensuel. Au contraire il tend à dissocier l'oeuvre de la sensibilité. Son art n'est pas séducteur. Ce qu'il veut peindre (l'absolu, l'inexprimable, l'infigurable) ne peut pas être peint. Ses traits et lignes sont tellement simplifiés qu'ils sont à peine des lignes, mais plutôt des idées, des concepts. Il rejette tout naturalisme, toute anecdote, pour promouvoir un monde "vraiment abstrait".

Cette idée d'un art dont le seul but est de faire venir l'être contredit la notion académique d'un art qui ne vaut que comme objet. Newman célèbre un événement de pensée en réduisant l'image ou la figure au minimum (le zip, le trait, la bande). Il ne façonne pas une icône, il compose une théologie. Pourtant, ce n'est pas de l'anti-art, c'est un acte de foi dans la possibilité de refonder une pratique de l'art sur le rite et la magie, sur une forme immatérielle qui peut apparaître ou disparaître.

Les oeuvres de Newman sont ambiguës. Elles peuvent produire l'extase ou l'indifférence. Elles peuvent être comprises comme des concepts ou des objets, du non-art ou de l'art. En ce sens, dans les années 60, il a été un pionnier.