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TABLE des MATIERES :

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Index des termes

de l'oeuvre

de Jacques Derrida

Un seul mot - ou un syntagme.

         
   
Derrida, la pensée                     Derrida, la pensée
Sources (*) : La pensée derridienne : ce qui s'en restitue               La pensée derridienne : ce qui s'en restitue
Pierre Delain - "Les mots de Jacques Derrida", Ed : Guilgal, 2004-2017, Page créée le 9 janvier 2009 Orlolivre : comment ne pas faire système?

[Derrida, la pensée]

Orlolivre : comment ne pas faire système?
   
   
   
                 
                       

1. Double emploi.

C'est un mot que Jacques Derrida utilise de manière ambiguë. Tantôt il l'associe à la présence, à l'être, à la métaphysique; et tantôt il la situe du côté de la différance et de la déconstruction, comme si elle pouvait échapper à la clôture des systèmes. Ce double emploi n'est pas contradictoire, il est stratégique. La pensée est double : d'un côté elle rencontre le prévisible et l'anticipable; de l'autre elle est exposée à l'événement, aux antinomies, à l'inappropriable. La pensée pense à la limite.

La pensée n'est pas la philosophie. Par exemple Artaud est un penseur, pas un philosophe. Certains concepts peuvent être pensés à partir de la philosophie, sans être philosophiques. Exemples : la différance, l'archi-écriture, la trace, la justice, etc... Si l'on stabilisait cette opposition entre pensée et philosophie, on pourrait dire que la pensée, déconstructrice par essence, ne pourrait se penser que par additions et suppléments - ce qui ne serait pas nécessairement le cas de la philosophie. Ou bien que la philosophie serait inséparable de la vérité de l'être, pas la pensée. Mais il faut se méfier des généralisations et surtout des hiérarchisations. Il n'y a pas de pure pensée à opposer, par exemple, à la technique ou à la science (comme le faisait Heidegger). Le philosophe, comme le scientifique, est aussi un penseur. Même quand elle prétend se stabiliser dans un ordre des raisons, la pensée classique, humaniste et rassurante, ne diffère pas du travail d'écriture.

 

2. Inappropriable.

La crédibilité de la pensée repose - comme celle de la religion - sur un acquiescement originel. Avant tout savoir, toute logique et toute philosophie, s'ouvre la possibilité d'une aimance : "Je pense, donc je pense l'autre". Mais cet autre est inappropriable. La pensée est toujours en excès : c'est ce qui, dans l'éloignement du proche, "vient-de-partir".

Si tout texte est citation, la pensée n'est à personne. Elle est en marche, en cheminement, en perpétuel détour. Elle n'adhére à aucun sol. Là où elle nait, c'est la folie qui guette; cette folie que la pensée accueille en elle-même, dans son intériorité la plus essentielle (même si je suis fou, le Cogito existe). Il est possible qu'elle ne veuille rien dire, car par essence elle ne procède pas d'un vouloir-dire, mais d'une inscription. Elle résiste à toute tentative d'appropriation ou de réappropriation.

 

3. Penser aux limites, le non pensable, l'inouï.

Il ne peut y avoir de pensée ni de pensable pur. La pensée est toujours déjà contaminée par du non-pensable, par ce qui est absolument singulier, comme la date (qui n'a lieu qu'une fois) ou la poésie, ou la mort, ou encore par ce vivant sur lequel on appose le nom "animal", sans pouvoir le penser.

Les concepts derridiens ne peuvent pas se penser comme tels dans la métaphysique. C'est le cas de la différance (on ne peut la penser qu'au-delà de la métaphysique), ou de la dissémination.

Il y a aussi ce qu'on peut penser, mais qu'on ne peut pas écrire. Exemple : le savoir absolu. Hegel l'a pensé, il en a proposé un concept, mais il savait déjà que nul ne pourrait signer de son nom un tel écrit.

Nous sommes toujours pris, d'avance, dans des programmes ou des machines qui nous précèdent. Pour inventer une autre machine inédite, sur une autre scène, il faut un corps pensant, un signataire et aussi une contresignature. Il faut aussi pouvoir penser ensemble l'événement (une expérience vivante, organique) et la calculabilité (inorganique). Mais cette chose monstrueuse, un événement-machine, peut-elle être pensée? Ou bien faut-il pour cela une autre pensée, une pensée inouïe?

Il y a aussi la promesse d'une pensée qui ne se pense pas encore. Par exemple les droits de l'homme au-delà de la souveraineté de l'Etat-Nation. Comment les penser, si ce n'est à partir d'un autre propre de l'homme encore impensable aujourd'hui?

Une méditation qui irait au-delà de l'homme, au-delà de la raison et de la science, pourrait-elle passer par les vieux signes? Si elle mettait aussi en question le symbole, le langage, le livre et l'écriture linéaire, comment pourrait-elle s'écrire?

 

4. Il faut penser.

C'est pourtant la tâche qui nous reste, penser. Penser comment? Par fragments et détails plus que par système. Quoi? Les mutations actuelles, dont aucun discours traditionnel ne peut donner une interprétation générale (d'autant moins que la déconstruction y est devenue, elle aussi, un motif). Par exemple : la singularité, l'événement, le jeu, le non-programmable et l'inanticipable (comme la pensée elle-même, car une pensée qu'on pourrait prévoir ne serait pas une pensée), l'exception (dont aucune théorie philosophique ou juridique n'est possible, mais qu'il faut quand même penser), etc... avec rigueur mais en allant toujours le plus loin possible, jusqu'aux fragiles limites où l'on peut mettre en question le fondement même du principe de raison.

Quelle serait la visée de Jacques Derrida? Une pensée ouverte, qui puisse fonctionner en pure perte, à partir d'un centre déporté hors de soi, une pensée qui s'ouvre à des concepts impossibles comme le don ou l'hospitalité, une pensée qui ouvre un autre espace, un espace messianique. Cette pensée blanche, neutre, aventureuse, sans poids ni contenu, ne se laisserait déterminer par aucun programme. Elle aurait le courage de supporter les contradictions, d'endurer l'aporie. Serait-elle encore une pensée?

 

 

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Propositions

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La pensée n'est à personne car, depuis le commencement, le texte est citation

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Entre Eros et Thanatos, toute la pensée n'est que différance, chemin de détour, retardement, surséance et substitution

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Quand des valeurs incompatibles coexistent, la folie guette et, d'urgence, elle appelle la pensée; de cette provenance monstrueuse, elle fait naître une vérité

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Il y a de la pensée, mais partout où elle opére, elle ne veut rien dire

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D'une force excessive par rapport à elle-même, la pensée chez Blanchot ne pense pas "à-partir-de", mais reconduit au "venir-de-partir" , avant l'éloignement du proche

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Toute sacralité, croyance, pensée ou autorité - religieuse ou non - reposant sur un axiome peut être critiquée, combattue ou rejetée au nom de ce même axiome

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En Occident, la "pensée" n'a jamais pu surgir ou s'annoncer que dans son rapport à l'être : comment l'être se dit, comment est dit ce qui est, en tant qu'il est, tel qu'il est

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La possibilité de l'amitié se loge dans la logique d'un cogito humain et fini : "Je pense, donc je pense l'autre"

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La pensée, comme mémoire pensante, défie toute appropriation; préoccupée par un autre irréductible, elle pense à la limite de l'intériorité

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Entre la pensée et la technique, il n'y a ni dissociation, ni hiérarchie

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L'expérience de la pensée est double : présence du logos et aussi exposition à l'événement, à la venue du radicalement autre, sans charte ni carte

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La chaussée sur laquelle cheminent les pensées est comme la série des chaussures de Van Gogh : jamais lacées, elles n'adhèrent pas au sol

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Aucun discours traditionnel n'étant en mesure d'interpréter l'ensemble des transformations du monde actuel, il faut avoir recours à une "pensée" ouverte, indéterminée, aventureuse

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Notre époque est celle où l'on commence à penser l'événement d'un centre déporté hors de soi

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Ce qui se donne aujourd'hui à penser - une méditation de l'écriture qui passe l'homme, la raison, la science - ne peut s'écrire selon la ligne et le livre

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L'université d'aujourd'hui repose sur le principe de raison; mais nulle part il n'y est pensé, interrogé dans sa provenance

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Il reste à penser ce qui se passe aujourd'hui, dans la modernité, au moment où la déconstruction devient un motif

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Une déconstruction conséquente est une pensée de la singularité, donc de l'événement

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La différance n'est ni un mot, ni un concept : c'est un faisceau propre à penser le plus irréductible de notre époque

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On ne peut penser la "pensée même" que par les additions et suppléments dangereux à l'oeuvre dans le "et" : plus d'un, de deux, de trois; plus d'une voix, plus d'une langue, etc...

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On peut appeler "philosophie" toute pensée qui ne se laisse pas déterminer par des programmes techno-scientifiques, quel que soit le lieu où elle est mise en oeuvre

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Devant l'assujettissement de l'université aux technosciences, il faut appeler à une nouvelle responsabilité : aller le plus loin possible dans la pensée la plus abyssale de ce qui la fonde

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La raison d'être de l'université d'aujourd'hui, sa nouvelle responsabilité, c'est de penser aux limites du principe de raison - fût-ce dans un clin d'oeil, un battement de paupières

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L'époque à venir est celle d'une pensée qui, par son ouverture, ne veuille rien dire et rende l'écriture possible à partir de rien

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Il faut penser l'événement à partir du "Viens" qui se dit à l'autre et qui ouvre un espace messianique

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La dimension du "Il y a" s'ouvre dans l'écart entre l'impossible et le pensable

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Une pensée de la trace doit aussi pointer au-delà de l'epistémé, par une pensée blanche, neutre, indéterminée, sans poids, qui dise l'époque à venir de la différance

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Descartes n'exclut pas la folie, au contraire; même si je suis fou, le Cogito existe - par l'hypothèse du Malin Génie, la folie est accueillie dans l'intériorité la plus essentielle de la pensée

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Comme tout ce qui n'a lieu qu'une fois, la date résiste à la pensée

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Il ne peut pas y avoir de pensée ni d'écriture rigoureuse de la dissémination

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A la limite de l'impossible, du "peut-être" et du "si", tel est le lieu où l'université, par ses oeuvres, s'expose à la réalité et tente de penser

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La mort est l'unique occurrence de la possibilité de l'impossibilité; une aporie que Heidegger a énoncée, sans la penser

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Chaque fois qu'on se réfère aux droits de l'homme au-delà de la souveraineté de l'Etat-Nation, c'est au nom d'un "propre de l'homme" promis à une pensée qui ne se pense pas encore

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La différance ne pourrait se penser comme telle qu'au-delà de la métaphysique - mais franchir cette limite, ce serait une folie

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L'archi-écriture ne pourra jamais être pensée sous la catégorie du sujet

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Il faut penser l'exception, même si une théorie philosophique, juridique ou politique - voire un concept - de l'exception est impossible

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En pensant, le corps invente sa propre machine, excessive, dont il voudrait faire breveter la signature

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Une pensée affirmative du jeu, offerte à une interprétation active, inspire un nouvel humanisme au-delà de l'homme

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Pour penser ensemble l'événement et la machine, il faudrait une forme conceptuelle inouïe, une autre pensée qui change jusqu'au nom et à l'essence de la pensée

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Artaud est un penseur, non un philosophe; sa pensée situe l'un des enjeux les plus décisifs de notre époque

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Hegel, interprète de toute l'histoire de la philosophie, n'a jamais pu penser une machine qui fonctionnerait en pure perte

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La pensée de l'animal, s'il y en a, revient à la poésie

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Il faut, pour penser, pour endurer la contradiction, du coeur, du courage, le courage de sa peur

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On peut penser le savoir absolu, mais on ne peut ni le signer ni en écrire le texte

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Pour acquérir la "vraie" philosophie, il faudrait, selon Descartes, établir un chemin, un ordre des pensées universel et simple - mais en aucune langue, il ne serait réalisable

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La philosophie repose sur une série d'antinomies que, en tant que communauté de responsabilités, elle doit penser

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Au-delà du savoir absolu, une question inouïe s'ouvre et réclame des pensées à travers de vieux signes

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