Prononçant une conférence au MOMA (Musée d'Art Moderne de New York) où les dessins d'Artaud le MÔMO sont exposés, Jacques Derrida s'appuie sur le texte même d'Artaud pour proclamer sa duplicité. Artaud clame sa défiance à l'égard des institutions culturelles mais c'est finalement à elles qu'il s'adresse [à qui d'autre pourrait-il s'adresser, si ce n'est à dieu?]. Il dénonce le système des Beaux-Arts qui gardera et exposera les oeuvres qu'il fait pour lui et qui ne survivront que grâce à lui. Il revendique une maladresse qui est une attaque contre tout support, subjectile ou institution, y compris le musée, mais ce coup de force est le meilleur moyen de toucher le destinataire. En somme, dit Derrida, la duplicité d'Artaud se retrouve dans celle du musée, une institution qui garde précieusement les oeuvres dirigées contre elle, afin de les légitimer, les canoniser, les neutraliser.

Qu'est-ce qu'un musée d'art moderne? Une institution canonisante, un lieu de légitimation sacralisante des temps modernes, une pyramide de "commémomarchémomification" spéculative (p83).