La période 1946-52/53 a été remarquable pour l'art américain. Le mythe de l'artiste, né en Europe, a été acclimaté pour proclamer l'indépendance de l'Amérique à l'égard de l'Europe. S'appuyant sur les fonds africain/pré-colombien, sur la centralité de New York pour les artistes et les marchands et sur des expériences originales, quelque chose de nouveau, de magnifique est advenu. Mais peut-on pour autant parler d'école de New York comme l'a prétendu le critique Henry Geldzahler, à travers l'exposition qu'il a organisée sous le titre "New York Painting and Sculpture, 1940-70"? Il faudrait pour cela que les artistes retenus aient quelque chose en commun, qu'ils se soient constitués en mouvement. Les expressionnistes abstraits ont considéré qu'ils devaient repartir de zéro, y compris en changeant leur propre style. C'est ce qu'on fait Gorky, de Kooning, Pollock, Rothko, Gottlieb, David Smith, Still, Newman, Hofmann, Kline ou Guston. Ils pensaient que l'Europe n'avait plus rien à offrir, sauf des souvenirs. Mais ils n'avaient pas d'idée ni d'idéologie à développer en commun - sauf le constat de la crise de l'art. Chacun développait sa sensibilité et ses recettes, sous l'influence des musées, des galeries, des professeurs, des réseaux de communication et des négociants - lesquels privilégient les artistes dont la personnalité est réduite au minimum.