Dans l'expérience de Brunelleschi, n'importe qui peut placer son oeil au niveau du trou, disposer le miroir à la distance appropriée, et voir un objet : le baptistère. Il ne s'agit pas de l'objet réel, mais de la peinture sur laquelle le regard est concentré, hors contexte. Le procédé est analogue à celui de la lunette de Diderot. Si je regarde un tableau avec une lunette, sans voir ses bords, je me crois spectateur de la nature même. L'effet de vérité se produit parce que je n'ai plus aucun repère extérieur. Le dispositif est clos, fermé sur lui-même. Je prends du recul, je m'arrache à l'opacité du donné, je m'implique dans un spectacle. Le trou fonctionne comme un objectif. La construction s'ordonne par rapport à lui. L'oeil obture le trou. Le sujet n'a plus de vision ni de connaissance autre que le regard qui passe par le trou. Il échappe à l'immédiateté du vécu, et ne trouve plus sa vérité que dans le spectacle, sous réserve qu'il se plie au protocole imposé.

La construction perspective par point de distance (Sebastiano Serlio, 1545).

Dans la structure d'objectivité ainsi construite, le sujet a un lieu assigné : celui d'une origine sur laquelle, paradoxalement, il n'a pas prise.